Canada Atlantique: Saint-Pierre-et-Miquelon se réinvente, 30 ans après le moratoire sur la pêche à la morue
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2022 est l’année du 30eme anniversaire du moratoire du gouvernement fédéral canadien du 2 juillet 1992, interdisant la pêche à la morue le long de la côte est du Canada. Ce moratoire mit fin à près de
cinq siècles de pêche à la morue à Terre-Neuve-et-Labrador depuis les premières expéditions de pêche de Jacques Cartier (Jakez Karter en breton). Les bretons et en particulier les malouins étaient en
possession du « secret de Terre-Neuve » depuis une date qu’il est difficile de déterminer mais qui semble antérieure à la découverte de l’île par les anglais et les portugais. De plus, la morue a joué un
rôle central dans les filets du cadrant économique et culturel des provinces du Canada Atlantique, des îles de la Madeleine et bien entendu de l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Un élément encore plus étonnant de cette activité transatlantique est l’apport naval et cartographique offert pour élargir d’autres aventures comme l’exploration des côtes du Brésil que Jacques Cartier connaissait également. Une preuve de séjour du malouin Jacques Cartier au Brésil est le baptême à
Saint-Malo, le 31 juillet 1528, d’une indigène brésilienne nommée Catherine du Brésil, la marraine étant la femme de Jacques Cartier.
En 2022, quels peuvent être les nouveaux acteurs, réseaux et projets à développer sur l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon ?
En premier lieu, il est utile de rappeler que des opportunités de défiscalisation existent via la loi Girardin (LODEOM). Mais bien avant la reconnaissance du législateur de la spécificité du contexte de développement de Saint-Pierre-et-Miquelon, l’archipel a utilisé d’autres leviers de développement. D’abord, en jouant un rôle de plaque-tournante de la contrebande, avec un âge d’or important
pendant la période de la Prohibition aux Etats-Unis.
L’ère de la prohibition a commencé en 1920 lorsque le 18e amendement à la Constitution américaine, qui interdisait la fabrication, le transport et la vente d’alcools enivrants, est entré en vigueur avec l’adoption de la loi Volstead. Malgré la nouvelle législation, la prohibition était difficile à appliquer.
Au fond, les îles ont continué d’être des laboratoires de projets malgré des législations ou normes continentales défavorables. L’épisode de 1992 sur le moratoire de la pêche à la morue n’a pas
découragé Saint-Pierre-et-Miquelon, bien au contraire. L’archipel a continué à innover et à rechercher des alternatives comme il l’avait déjà fait pendant l’épisode de la Prohibition.
Les filières de pêche se sont réorganisées sur d’autres chaînes de valeur comme le crabe des neiges. Mais Saint-Pierre-et-Miquelon a capitalisé un autre levier qui reste pleinement d’actualité aujourd’hui : le marketing territorial.
Plusieurs investissements audacieux ont été encouragés en ce sens comme l’implantation de distillerie de whisky et de spiritueux, comme vecteurs pertinents d’un marketing territorial offshore mais surtout comme locomotives d’un pôle agro touristique.
Ce pôle a été ainsi pensé comme maillon stratégique de développement de l’univers naturel de la distillerie ainsi que toute la culture qui entoure le monde des spiritueux. Derrière cette filière, le tourisme représente un secteur économique important dans l’archipel (3% du PIB). On compte 14 000
visiteurs par an à Saint-Pierre-et-Miquelon : dont 65% de canadiens attirés par l’accessibilité, la proximité et le dépaysement. La population touristique compte 40% en moyenne de croisiéristes avec un fort pouvoir d’achat
Le tourisme et mise en valeur du patrimoine vivant représentent donc un axe clé pour le développement de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Une Route des Chais entend proposer des visites guidées des chais disséminées en quatre endroits sur l’archipel. Sans oublier, unique au monde, des activités de plongée sous-marine pour observer les chais immergés.
Enfin, chercheurs et universitaires sont aussi sollicités à Saint-Pierre-et-Miquelon sont sollicités pour imaginer des projets innovants pour une pêche et une aquaculture durables. Le congrès international sur les sciences aquatiques s’est tenu du 23 au 27 septembre 2022 et a couronné le grand succès d’une
édition à la fois scientifique et entrepreneurial
Par Kevin LOGNONÉ