Sénégal : Lettre ouverte au Président Bassirou Diomaye Faye, la gestion de Sonko contestée

 

Dans une lettre adressée à Diomaye Faye, président de la République sénégalaise, Ibrahima SOW, professeur de philosophie au lycée de Tivaouane Peulh a décrié la gestion d’Ousmane Sonko entant que premier ministre.

Voici le contenu de la lettre :

Monsieur le Président, cette lettre est le cri de détresse d’un citoyen qui est en train de constater avec beaucoup d’amertume la faillite irréversible de l’Etat que votre atypique premier ministre est en train d’orchestrer. Chaque jour qui passe, depuis que le Pastef est au pouvoir, nous constatons Ousmane Sonko dopé par on ne sait quoi d’irrationnel qui gonfle son égo, au point de lui faire croire que la fonction primatoriale est au-dessus de la fonction présidentielle ; que tous ceux qui sont nommés lui doivent reconnaissance et obéissance inconditionnelle, qu’il a droit de vie ou de mort sur tous vos collaborateurs… Ce qui révolte, c’est moins sa posture paternaliste qui tend vers la dictature, que votre silence, voire indifférence face à cette désacralisation de la République qui est en train de s’opérer à un rythme inquiétant.
« Il n’y a pas de sentiment dans l’Etat » soutenait le philosophe allemand Hegel. Vous avez donc le devoir M. le Président, d’inhiber vos passions et vos sentiments en exerçant pleinement les prérogatives qui s’attachent à vos fonctions présidentielles. Ce sont les Sénégalais qui vous ont démocratiquement élu, vous n’êtes donc redevable envers personne, et c’est au seuls Sénégalais que vous devez rendre des comptes. Ousmane Sonko ne vous a pas élu, c’est Dieu qui a exprimé sa volonté à travers le vote des Sénégalais. Si Ousmane Sonko avait le pouvoir d’élire quelqu’un à la fonction que vous occupez, c’est incontestablement sa personne qu’il aurait choisie. Cet Etat que vous avez le privilège de diriger a été construit par de grands hommes qui se sont beaucoup sacrifiés pour le hisser au rang des grands Etats de ce monde. Voyez un peu ce que sont devenus certains pays de la sous-région, et vous vous apercevrez du travail titanesque accompli par vos prédécesseurs pour que notre pays soit le havre de paix qu’il est devenu et qu’il n’est plus en train d’être depuis qu’Ousmane Sonko a pris la décision de nous pourrir la vie.
M. le Président, je n’ai jamais vu ou entendu nulle part dans un Etat où le Président exerce pleinement ses prérogatives, le Directeur général d’une société nationale attaquer publiquement un décret présidentiel ou encore s’offusquer de la nomination d’un citoyen à un poste. Des agents nommés qui attaquent la décision de l’Elu qui les a nommés ! C’est au Sénégal que ça se produit et sous votre magistère. Si Waly Diouf Bodian et Fadilou Keita, ces fossoyeurs de l’Etat d’une autre époque, ont eu le courage de contester avec vigueur le décret qui à nommé Samba Ndiaye, c’est parce qu’ils se sentent protégés et qu’ils ne craignent outre mesure de se voir sanctionnés. Et récemment votre premier ministre, en pleine campagne pour les législatives, parle des ministres de l’intérieur et de la justice sur un ton sec et menaçant. Ousmane Sonko menace et défie tout le monde lorsqu’il était dans l’opposition, et une fois au pouvoir, il continue de menacer et de défier tout le monde. Pourquoi tant de rage et de haine dans le cœur de cet homme ? Pourquoi ne se réjouit-il que dans la violence et l’anarchie ?
Lorsque le Président Senghor a transmis le Pouvoir à Abdou Diouf, certains partisans du Président Senghor ne parvenaient pas à s’accommoder de l’idée qu’Abdou Diouf était désormais le Président de la République. Pour s’affirmer et exercer pleinement ses fonctions présidentielles, le premier soin du Président fut d’opérer une « dé-senghorisation » du pouvoir pour avoir les coudées franches. Et pendant dix-neuf ans au pouvoir, tous les socialistes se sont soumis. Cette posture du Président Diouf ne s’apparente nullement à une trahison, mais parce que le commandement de l’autorité souveraine n’est pas compatible avec un certain laisser-aller au sommet de l’Etat. Et c’est un Etat intact, avec des institutions solides qu’il a transmis au Président Wade en 2000.
M. le Président, combien de temps devons-nous continuer à supporter la continuelle posture de défiance du premier ministre face aux institutions et à certaines personnalités politiques ? Votre silence ne fait que le renforcer et l’encourager à aller jusqu’au bout de sa logique de déconstruire l’Etat. Si vous voulez prouver votre loyauté à Ousmane Sonko vous ne vous acquitterez jamais des promesses de campagne que vous avez faites aux Sénégalais, parce que vous aurez à supporter, durant votre quinquennat, les humeurs et les caprices de ce premier ministre hors du commun que même le Président Sall a peiné à réduire.
M. le Président, je vais vous rappeler une phrase que le professeur Mamoussé Diagne avez prononcée en amphi, qui vous servira si vous vous l’appropriez : « On ne partage pas le pouvoir ! ». Au sommet de l’Etat, il n’y a nulle amitié, nulle loyauté qui tiennent : « L’Etat est quelque chose de rationnel en soi », affirme Hegel.
Veuillez, Monsieur le Président, recevoir mes salutations respectueuses.
Ibrahima SOW, professeur de philosophie au lycée de Tivaouane Peulh

La Rédaction 

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