Afrique : Journée mondiale de la liberté de la presse : Le Sahel, « l’un des plus gros trous noirs de l’information »
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Chaque année, le 3 mai, la Journée mondiale des droits de la presse est célébrée. Au Sahel central, les conditions de travail des journalistes se sont détériorées, selon plusieurs rapports d’organisations internationales. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger sont d’ailleurs perçus comme des déserts de l’information depuis que ces trois pays ont à leur tête des régimes militaires.
L’espace de liberté de la presse s’est considérablement réduit dans la région du fait des conflits et de la présence jihadiste. L’accès à certaines zones est quasi impossible. Les journalistes sont aussi sujets aux à de multiples pressions et arrestations.
Pour Reporters sans frontières (RSF), « le Sahel est devenu l’un des plus gros trous noirs de l’information ». L’espace de liberté de la presse s’est considérablement réduit face aux pressions, aux arrestations ou, comme au Burkina Faso, aux réquisitions forcées aux côtés de l’armée.
En l’espace de trois ans, plus d’une dizaine de médias internationaux et locaux ont été temporairement ou totalement suspendus au Mali, Burkina Faso et Niger (dont RFI, VOA, BBC, Deutsche Welle, France 24, Le Monde…). L’expulsion et la non-délivrance de visas ou d’accréditation à des journalistes étrangers, mais surtout français, a marqué la volonté de ces régimes de s’affranchir d’une presse pluraliste jugée non conforme à leurs principes.
En plus des pressions et des entraves des autorités, les journalistes y subissent le joug des terroristes. « L’intensification des attaques des groupes armés n’a cessé de réduire l’espace de collecte de l’information des journalistes et d’affaiblir les moyens de diffusion », selon un rapport de RSF paru l’an dernier. De nombreuses radios communautaires ont été détruites ou fermées face à la pression terroriste. Plus grave encore, cinq journalistes ont été assassinés dans la région et une demi-douzaine ont été portés disparus depuis 2013.
Journalistes en exil
C’est donc depuis l’étranger qu’une partie de la couverture de ces trois pays s’opèrent. D’abord par des journalistes de ces pays aujourd’hui en exil, comme Malick Konaté pour le Mali ou Ahmed Barry pour le Burkina Faso, qui continuent de produire sur l’actualité de leurs pays. Ensuite, grâce à de nombreuses sources sur place qui permettent aux journalistes de savoir ce qu’il se passe dans ces pays. Toutefois, il est toujours plus difficile, sans accès au terrain, de recouper certaines informations.
Ainsi, pour véhiculer une information libre, fiable et plurielle, les médias locaux doivent s’organiser. Pour les sujets sensibles, c’est aujourd’hui très compliqué. Sur les questions sécuritaires par exemple, il existe une véritable omerta. L’approche dans le traitement de l’information est surtout factuel avec une reprise dans les médias des communiqués officiels des autorités. Les témoignages sont rares et souvent anonymisés pour éviter tous risques aux sources et lanceurs d’alerte.
Autocensure et arrestations
Du fait d’une surveillance accrue, les enquêtes sur les armées et leurs supplétifs, ainsi que sur les conflits, sont généralement évitées par les confrères travaillant au Sahel central.
Au Niger, deux journalistes sont actuellement en détention. Idrissa Soumana Maiga, directeur du journal L’Enquêteur, a d’ailleurs été interpellé jeudi 25 avril. Il a depuis été placé sous mandat de dépôt et écroué pour « atteinte à la défense nationale ». Il risque entre cinq à dix ans de réclusion après la publication d’une information reprise du journal Le Figaro faisant état d’« installation présumée de matériel d’écoute par des agents russes sur les bâtiments officiels nigériens ».
Garé Amadou, défenseur des droits humains et directeur de publication du Canard déchaîné, lui a rendu visite en prison mercredi 1er mai. Au quotidien, il prend des précautions pour éviter tout risque de détention. « C’est sûr qu’il est difficile de travailler comme quand on est en période démocratique, il est difficile de faire comme si de rien n’était. Il y a une certaine autocensure et il y a certains sujets que certains évitent de développer dans leurs médias de crainte de n’être pris pour cible par la junte parce que quoi qu’on dise, un régime militaire n’est pas un régime démocratique. Mais certains essaient tant bien que mal de faire leur boulot ! Il y a vraiment des journalistes extrêmement courageux qui continuent malgré les risques encourus », explique-t-il.
Et d’ajouter : « Je traite l’information en toute liberté sans souvent personnaliser les articles parce que ce qui est le plus dangereux, c’est de personnaliser les articles, de faire des articles contre les personnes ».
Propagande et fake news
Sur la politique et les sujets de sociétés, l’autocensure est moins présente. Des plateformes de fact-checking (vérification des faits) se sont d’ailleurs développées pour contrer la désinformation et les discours populistes qui pullulent sur les réseaux sociaux burkinabè, maliens et nigériens. Dans ces trois pays, de nombreuses personnalités publiques ou trolls sont très actifs pour disséminer de la propagande et des fausses nouvelles, majoritairement à la gloire mais parfois à l’encontre, des régimes militaires en place.
Dans une forme de résistance, on trouve donc encore des îlots de pluralisme et de presse indépendante au Sahel. Pour informer les populations de ces pays, les radios, télévisions, journaux et presse en ligne continuent d’être alimentés grâce au sacerdoce de centaines de journalistes, correspondants et techniciens qui continuent de pratiquer leurs métiers malgré les difficultés imposées par les régimes en place.
Par NLR