France: Dol-de-Bretagne, une « petite Genève » bretonne et anglo-normande ?

Si Fougères conserve une tradition horlogère avec son campus des métiers situé dans le parc d’activités de la Grande Marche, une effervescence créative et industrielle avec les pierres et métaux précieux des îles Anglo-Normandes a marqué Dol-de-Bretagne autour de 1900, cité fièrement campée sur la falaise de l’ancien rivage de la baie du Mont-Saint-Michel, dont elle est séparée aujourd’hui par un marais.
Avant la première Guerre Mondiale, la cité doloise comptait plusieurs horlogers passionnés d’innovation. Pour éviter une concurrence directe, certains sont partis s’installer à Tours (Loir-et-Cher) et à Besançon (Doubs) aux portes de la Suisse où il ont ouvert d’autres établissements : bijouteries, horlogeries et ateliers d’art.
Ces villes de production horlogère sur l’axe Dol-de-Bretagne, Tours, Besançon conservent de très belles horloges. Si les mécanismes étaient produits dans d’autres régions, ils étaient assemblés avec le bâti en bois, lui produit localement. Parfois, il est possible de retrouver des pendules et automates où les savoir-faire au carrefour de l’art, de la technique et des sciences se croisent entre des régions. S’agit-il beaucoup d’une fabrication Tourangelle, Doloise ou Bisontine ?
Dans la discrétion, Dol-de-Bretagne a conservé une authenticité dans ses savoir-faire et ses transferts d’innovation avec les îles Anglo-Normandes. Une singularité qui repose sur le dialogue et la présence de la culture protestante. Si ce foyer était largement minoritaire, il a pourtant accompagné l’essor de la baie de Dol à Portorson. Et certains ont marqué l’histoire et la concorde de villes du département par leur influence, de Vitré à la cité corsaire avec Christophe de Chateaubriand, le protecteur des huguenots de Saint-Malo.
Ce mouvement a permis de se démarquer des conservatismes. Aussi, des personnalités ont pu ainsi être à l’avant-garde de certaines idées au fil des siècles. Des industriels visionnaires dolois étaient aussi pour l’arrivée du chemin de fer avec une gare à Dol-de-Bretagne, qui faisait pourtant peur à ceux qui vivaient du commerce de la baie entre mer et terroirs.
Mais la singularité des métaux précieux pour l’horlogerie doloise repose essentiellement sur l’espace de voisinage stratégique que représentait Dol-de-Bretagne en face des îles Anglo-Normandes, carrefour historique de l’étain mais aussi de pièces en bronze échangées avec les îles Britanniques.
Acquis à la transformation de matières premières, la présence des protestants en Ille-et-Vilaine date du XVIe siècle. De même, ils ont aussi facilité la prospérité des échanges insulaires et continentaux en s’intéressant par exemple aux métaux précieux. Leur fuite a eu pour conséquence une crise financière importante. À la Réforme, un déluge de livres liturgiques imprimés à Genève ou aux Pays-Bas ont par exemple influencé le calvinisme qui a triomphé à Jersey.
Pour développer une valeur créative et de nouveaux produits, des échanges ont existé avec des orfèvres Jersiais et Guernesiais. A partir de 1541, le réformateur protestant français établi à Genève, Jean Calvin interdisait le port d’objets ornementaux, forçant les orfèvres et joailliers à se tourner vers un autre art, à savoir celui de l’horlogerie.
Progressivement, le perlage, l’ornementation d’automates et de pièces d’horlogerie avec des perles, de l’or et des pierres précieuses s’est développé grâce à la facilitation du commerce et des échanges transmanche entre la baie et les îles Anglo-Normandes. Ces métaux précieux sont visibles par exemple dans le mobilier de l’église paroissiale Saint-Louis à Vildé la Marine et tout particulièrement son horloge.

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Toujours aujourd’hui, les touristes peuvent acheter de l’or et des pierres précieuses détaxés dans les îles Anglo-Normandes, comme le faisaient les horlogers de Dol-de-Bretagne.

Par Kevin Lognoné