Afrique : Le témoignage glaçant d’un ex-propagandiste de Wagner fragilise le dispositif de désinformation de Moscou en Afrique
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Le témoignage du journaliste centrafricain Éphrem Yalike, publié par nos confrères de Radio France Internationale (RFI), ce 21 novembre, dans le cadre d’investigations coordonnées par Forbidden stories, le réseau international de journalistes qui poursuit le travail de journalistes assassinés ou menacés, lève le voile sur le fonctionnement de l’entreprise de désinformation russe en Afrique mais porte également un sérieux coup à la stratégie de manipulation du Kremlin. Nous revenons sur quelques séquences qui montrent l’importance de ce témoignage.
Le difficile métier de journaliste en Centrafrique
Comme Éphrem Yalike l’a lui-même indiqué, la précarité dans laquelle exerce la presse centrafricaine est une aubaine pour les mercenaires de Wagner. Sinon, il ne serait pas devenu un de leur relais aussi bien dans la presse qu’au sein de la société civile, au point de prendre une large part dans l’organisation des différentes manifestations anti-occidentales et anti-ONU à Bangui.
D’ailleurs, il n’est pas le seul dans ce cas, puisque les journalistes centrafricains travaillant aussi bien pour le service public que pour les médias privés perçoivent difficilement 150 euros par mois. Ce niveau de précarité très avancé fait d’eux des proies faciles pour Moscou qui, en passant par le groupe Wagner, leur propose des rémunérations alléchantes en contrepartie de leur contribution à une vaste opération de manipulation de l’opinion.
S’imposer par la ruse, fustiger les Occidentaux et dénigrer l’opposition démocratique
Durant quatre ans, l’ex-propagandiste s’est vu confier par des « diplomates » russes à Bangui, la mission d’imposer à la population, grâce à des articles, le narratif du Kremlin. Et cela, en mobilisant certains de ses confrères rémunérés par Wagner.
Sa tâche consistait aussi à discréditer l’action des Occidentaux dans le pays, au premier rang desquels la France et les États-Unis, et à dénigrer les leaders de l’opposition démocratique présentés comme le « mal national ». Le fait pour Éphrem Yalike de reconnaitre qu’à chaque meeting/sit-in, les manifestants sont rémunérés à hauteur de 3 €, démontre le niveau de précarité dans lequel vivent les populations en Centrafrique. Mais surtout, renseigne au mieux sur la stratégie qui est celle de Moscou de s’imposer aux Africains par la ruse et l’endoctrinement des peuples.
Des violations de droits humains passées sous silence
L’une des séquences du témoignage qui aura marqué les esprits, c’est le fait qu’Éphrem Yalike a pu miraculeusement échapper à la furie de ses « partenaires » russes, qui lui ont intimé l’ordre de ne pas révéler la vérité sur une série de violations des droits humains à Bouar, ville située au nord-ouest de la République centrafricaine. Lui a réussi à quitter le pays pour s’exiler alors que de nombreux autres n’ont pas eu cette chance.
C’est une situation qui éclaire d’un jour nouveau les pratiques des mercenaires de Wagner dans le pays. Malgré le déni de Moscou et ses tentatives de dissimuler la réalité, de nombreuses exactions sont directement imputées à ses supplétifs. Ceci, parfois avec la complicité avérée des soldats centrafricains.
Laboratoire de la guerre de conquête du Kremlin
À suivre le fil de cette vaste enquête de Forbidden stories et ses 9 médias partenaires, la République centrafricaine est transformée par le Kremlin en un véritable terrain d’essai de ses méthodes de désinformation, lesquelles sont désormais appliquées dans le Sahel. Même dans les pays comme le Tchad ou le Congo-Brazzaville, où la Russie a aussi des visées géostratégiques, on commence à observer les prémices du déploiement des usines à trolls de Wagner. Il n’a échappé à personne qu’un supposé sociologue russe et son collaborateur ont été arrêtés fin septembre à N’Djamena avant d’être libérés il y a 3 jours.
Il est clair que ce témoignage constitue un coup de griffe important infligé à la stratégie russe sur le continent. Mais il faut être certain que Moscou va changer son fusil d’épaule afin de continuer ses manœuvres de déstabilisation. Voilà pourquoi, la sagesse commande de rester lucide et d’anticiper les éventuels changements de stratégie de sa part.
Par Ben-Wilson Ngassan, Le Courrier panafricain,