Afrique de l’Ouest: le retrait conjoint du Mali, du Burkina Faso et du Niger des instances de la CEDEAO menace la stabilité collective et régionale.
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Dans une interview donnée à RFI, le ministre des Affaires étrangères de la Sierra Leone Timothy Kabba revient sur l’impasse politique provoquée par l’annonce récente du retrait de la CEDEAO des trois pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Pour lui, ce retrait risque de déstabiliser la région tout entière déjà marquée par des crises multiformes.
Une opinion également partagée par Fahiraman Rodrigue Koné, chercheur et spécialiste du Sahel à l’Institut des études de sécurité (ISS), qui, dans une interview récente accordée au journal Le Monde, a averti sur les risques posés par la fragmentation régionale et la concurrence géostratégique plus forte entre les puissances voisines que vont entraîner la décision de retrait de l’AES des instances de la CEDEAO. Alors que les groupes djihadistes progressent au Sahel – jusqu’à la capitale nigérienne récemment – et jusqu’aux marges des Etats côtiers, les derniers développements relatifs à la CEDEAO ne constituent « pas une bonne nouvelle pour la stabilité » régionale et collective.
« RFI : Timothy Kabba, quelle est votre réaction à cette annonce ?
Timothy Kabba : C’est une nouvelle assez inquiétante, bien qu’elle soit attendue parce que ces trois pays avaient laissé entendre, l’année dernière, qu’ils allaient former l’Alliance des États du Sahel, ce qui signifie qu’ils allaient se retirer du bloc. Mais la Cédéao saisira l’occasion pour s’assurer que ces membres importants de notre communauté ne se retirent pas et ne sortent pas de la communauté. Cette décision est une menace pour la paix, la sécurité et la stabilité de toute la communauté parce que ces trois pays sont confrontés non seulement à leur instabilité politique, mais aussi aux groupes terroristes comme le mouvement al-Qaïda et Daech et, donc, c’est un peu inquiétant si ces pays font cavalier seul.
Mais le processus lui-même exige que tout pays désireux de se retirer doit exprimer formellement sa demande auprès de la Cédéao et qui sera ensuite examiné dans un délai d’un an. Mais pendant cette période, cet État doit continuer à se conformer à ses obligations. J’espère donc que la demande de retrait sera retirée, étant donné que notre sécurité collective est cruciale.
Quelles mesures peut prendre la Cédéao pour faire changer d’avis ces trois pays ?
Je pense que les chefs d’État vont se réunir et qu’il y aura un sommet imminent au cours duquel les dirigeants évalueront la situation et trouveront la meilleure solution. Je crois que la meilleure solution est une solution diplomatique. Et je pense que nous continuerons à être patients avec nos frères du Niger, du Mali et du Burkina Faso pour trouver une solution à l’impasse politique dans laquelle se trouvent ces pays.
En annonçant leur retrait, ces pays ont accusé l’organisation de ne pas les avoir assez soutenus. Est-ce que c’est un argument valable ?
Non, pas à mon avis. Je pense que la Cédéao a ouvert la porte à la négociation lors du 64ᵉ sommet des chefs d’État et de gouvernement. Il était clair, lors de cette rencontre, que l’organisation régionale avait déjà assoupli ses restrictions de voyage imposées aux chefs de ces différents gouvernements et elle avait également ouvert la voie à la médiation.
J’étais l’un des ministres des Affaires étrangères chargés par la Cédéao d’entamer des négociations avec les autorités nigériennes et malheureusement, le jeudi 25 janvier, nous n’avons pas pu nous rendre au Niger où nous étions attendus par les autorités nigériennes pour entamer des discussions sur la transition, car l’avion loué par la Cédéao a eu un problème technique à Abuja et nous n’avons donc pas pu participer à cette mission de médiation. Mais la Cédéao va s’assurer que ces membres importants de notre communauté ne se retirent pas du bloc.
Que représentent ces trois pays pour la Cédéao ?
Il faut rappeler que le Niger, le Mali et le Burkina Faso représentent géographiquement plus de la moitié de la superficie de la Cédéao et 15 % de sa population. Ils sont donc très importants. Il y a des répercussions plus graves encore parce que ces pays sont liés culturellement et géographiquement et nous avons une longue histoire de coopération et d’interdépendance. Je pense donc qu’il serait une bonne chose que nous trouvions un moyen de sortir de cette impasse.
Craignez-vous que d’autres pays puissent emboiter le pas du Mali, Niger et du Burkina Faso ?
Je ne suis pas convaincu que d’autres pays vont se ranger du côté de ces trois pays et choisir de quitter la Cédéao. Le monde est confronté à une myriade de défis allant du changement climatique aux insurrections terroristes et violentes et n’importe quelle nation voudrait faire partie d’une organisation qui fera face à ces défis interminables.
Faire partie de la Cédéao, cela a-t-il encore un sens aujourd’hui ?
Je pense que la Cédéao est toujours pertinente. Je parle en tant que ministre des Affaires étrangères de la Sierra Leone. Je suis conscient de la contribution de la Cédéao à la restauration de la démocratie et de la paix en Sierra Leone, au Liberia, en Côte d’Ivoire, en Guinée-Bissau et en Gambie, et je pense donc que la Cédéao a les outils pour rassembler ces pays et lutter pour le bien commun de notre région.
Je pense que ces trois pays méritent d’être entendus et je pense que leurs populations méritent de vivre en paix et sous un régime constitutionnel. C’est donc le rôle que nous allons jouer en tant que collectivité au sein de la communauté pour veiller à ce que ces pays respectent l’ordre constitutionnel et nous allons joindre nos efforts à ceux de nos frères du Sahel dans la lutte contre le terrorisme. »
Interview à lire en intégralité sur RFI : https://www.rfi.fr/fr/afrique/20240130-c%C3%A9d%C3%A9ao-le-retrait-des-trois-juntes-menace-notre-s%C3%A9curit%C3%A9-collective-pour-le-chef-de-la-diplomatie-sierra-l%C3%A9onaise
Par NLR