Afrique : Malgré la taille du continent et la multiplicité des situations selon les pays, peut-on distinguer des caractéristiques communes aux démocraties africaines ?
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Les années 1960 ont été considérées comme celles des indépendances et des régimes de partis uniques caractérisés par une gestion sombre, partisane ou clanique des affaires de l’État, les années 1990 au contraire ont rimé avec la démocratie, le multipartisme et un déroulement de conférences nationales ou d’assises nationales devant servir de cadres transitionnels des États vers la démocratie, en passant par une refondation des républiques fortement troublées à l’époque par des revendications populaires de nature démocratique.
La palissade didactique (culturelle), est souvent évoquée pour expliquer les difficultés rencontrées par l’Afrique dans son processus de démocratisation. Ainsi, la culture du chef qui caractérise les sociétés africaines ne serait pas un bon réceptacle pour l’incrustation de la démocratie. Alors, cette culture ne connaitrait, un frein à l’émergence d’une démocratie africaine. La plupart des Etats africains avant la colonisation étaient constituées en royaumes dont l’organisation n’était pas éloignée de celle de la monarchie parlementaire britannique. Mais les affaires de la cité se réglaient autour des paroles avec la participation des populations ou leurs représentants : c’était le temps de légiférer, de décider, de juger… et dès lors, on peut sans équivoque établir un parallèle entre la structure des «chefs traditionnels et notables» et celle des «chefs d’État et notables». Le pouvoir était délégué, les peuples étaient associés à la gestion des royaumes, on assistait déjà à une forme d’élection des chefs où il s’agissait, pour les populations, de s’aligner derrière le candidat de leur choix. Celui qui emportait l’adhésion populaire était intronisé, comme le montre l’exemple des peuples du nord du Togo. Ce modèle d’organisation sera mis à mal par la colonisation et la décolonisation.
Le clanisme politique, une diversité africaine.
L’Afrique, les héritages de impérialisme est la politique du diviser pour mieux régner et le repli ethnique. Si «la démocratie est la dictature majoritaire, devenue la minorité», comment les minorités ethniques sont-elles arrivées à prendre le pouvoir et à le conserver dans un contexte où les clivages exigent ethniques ou tribalistes ? Les exemples sont multiples comme en Lybie, au Tchad, en RCD etc ont été créés et entretenus par les colons puis repris après les indépendances par les clans présidentiels pour continuer à exercer le pouvoir et à faire une main infime sur les ressources de leur pays.
Eh! Les frontières issues de la colonisation n’ayant tenu aucun compte des limites des royaumes, leurs populations se sont retrouvées disloquées entre plusieurs pays, d’où la nécessité de travailler à la construction de nouvelles nations. Si, avec les indépendances, on a assisté à une réelle volonté de créer des nations, le constat de l’échec est probant puisque le vote ethnique, tribaliste surtout régionaliste est légion en Afrique, comme le montrent les exemples des dernières élections présidentielles et législatives au Kenya, au Togo, en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Tchad etc. Il est pratiquement impossible à un homme du sud de se faire élire au nord et vice-versa; dans une région donnée, c’est le facteur ethnique qui prédomine.
La méfiance des armées à l’envers de la population
La vie politique n’inspire plus confiance, surtout en prenant en compte le rôle prépondérant des armées à la solde des clans présidentiels, n’hésitant pas à retourner leurs armes contre leurs propres concitoyens et à renverser des présidents démocratiquement élus, au lieu d’être des armées impartiales et républicaines. Tous ces éléments expliquent bien le climat délétère qui règne sur les pays africains en général et sur le Tchad en particulier à l’approche des élections présidentielles, communales et sénatoriales. Curieusement, l’adhésion des États africains aux instruments régionaux et internationaux allant dans le sens de la consolidation d’une démocratie et d’une sauvegarde des droits humains ne tarit pas, leur application constitue donc le véritable enjeu sinon le défi de la démocratisation des sociétés africaines varient fondamentalement.
Des démocraties africaines en construction.
Dans les années 2010 au Ghana où Barack Obama président américain a prononcé un discours, lors d’une visite officielle, qui disait, je cite : « L’Afrique, au lieu d’avoir des hommes forts, doit avoir des institutions fortes» fin de citation. Il veut dire que la nécessité de choisir des personnes de bonne volonté pour animer les institutions est également primordiale. Il faudra définir et mettre fin au manque d’indépendance de certaines institutions et aux contraintes de nature économique, financière, sociale, suscitant la désaffection des citoyens. Il faut établir une gestion participative en faisant la promotion de la démocratie locale à l’Afrique par une décentralisation, en passant par l’organisation des élections libres, fiables et transparentes et au niveau des partis politiques organiser des élections primaires. Il y a lieu de travailler à l’instauration d’une culture de l’alternance, un principe sacro-saint de la démocratie, de prévoir un statut de l’opposition et d’oser aller vers une bipolarisation de la vie politique qui aura pour avantage d’éliminer les nombreux partis politiques à caractère tribaliste, sans assise nationale, voire sans idéologie politique claire et dirigés par des individus guidés par des intérêts inavoués.
Les apports de la communauté internationale.
La communauté internationale doit véritablement accompagner le processus de démocratisation de l’Afrique dans le respect du droit des peuples africains à disposer d’eux-mêmes. Le rôle joué par la communauté internationale, gardienne de valeurs, dans la résolution des conflits, voire dans leur prévention est louable et souhaitable au regard des difficultés à régler des crises internes. Néanmoins, son glèbe d’intervention s’étant élargi et ses actions diversifiées, elle doit se garder de se confondre avec une société internationale qui a contrario défend des intérêts. Les acteurs de la société internationale étant les mêmes que ceux de la communauté internationale, le pas est vite franchi quand ceux-ci sont évidemment bons avec des régimes aux pratiques peu démocratiques ou, pire, quand ils n’hésitent pas à faire de ces régimes boiteux, illégitimes et mafieux des associés gratifiés leur assurant de facto des pouvoirs à vie et des successions dynastiques au grand détriment des populations. Il faut que ça cesse !
Par Kianguinbo Nathan