Arabie Saoudite: Schéma directeur de Médine : visions d’un trésor franco-mauricien

L’agenda parisien pour défendre la candidature de Riyadh est extrêmement fourni pour la délégation saoudienne qui accompagne le prince héritier Mohammed ben Salmane en visite en France. Si l’Elysée joue les concierges du CAC 40, espérant en retour des opportunités pour des projets de construction, chantiers d’aménagement urbain (NEOM, Smart cities) ou de plan de transports (lignes 1, 2 et 3 du métro de Riyadh), d’autres leviers et aspirations sont totalement ignorés dans l’entourage d’Emmanuel Macron.
A commencer par le premier or noir qui reflète pourtant la profondeur d’une plateforme collaborative pour créer des échanges culturels et commerciaux : le café. Venise, Vienne, Istanbul n’ont jamais oublié cette grande histoire de partage. Du Yémen à l’Ethiopie, du port de Moka à Djibouti, la caféiculture, l’authenticité de ses intentions et sa volonté de jouer un rôle actif sur le marché mondial ont poussé de nombreux navigateurs à développer des pavillons innovants et originaux. D’Amsterdam à Saint-Malo, la route des épices n’a pas dit son dernier mot.
Aspirons à ce que l’Exposition universelle de 2030 permette une action prospective des pays à l’échelle du monde et du Levant en offrant le plus grand impact et les plus grandes possibilités de co-créer l’avenir. Le thème de la candidature saoudienne se concentre sur trois grands domaines d’intérêt : «Un avenir différent », «L’action climatique » et « La prospérité pour tous ».
Leurs interprétations et perspectives diverses relancent la place de l’océan indien autour de cette prémisse centrale pour dessiner l’étoile et la clé de l’Arabie heureuse.
Fondée à Maurice en 1911 par Raoul Raffray, René Raffray, le Dr Alphonse Raffray et Albert de Maroussem, la Sucrerie de Médine se composait d’un domaine de 12 240 km2 et comprenait les domaines de Belle Vue, Médine, La Mecque et Eaux Bonnes. Médine exploitait une meunerie recevant des cannes à sucre de toute la région de Richelieu à Tamarin.
Convaincu que la centralisation de l’industrie sucrière était la clé de son efficacité, l’ancien directeur général de Médine, Fernand Leclézio, avait pour ambition de relier les terres de la côte est et ouest via le centre de l’île de Maurice. En 1969, sous sa direction en tant que directeur de FUEL (Flacq United Estates Limited) et de Sir Emile Sériès en tant que directeur général de The Medine Sugar Estates Co Ltd, ces deux sociétés ont fusionné en West East Limited (WEAL). Basée à WEAL House sur la Place d’Armes à Port Louis à partir de 1971, la nouvelle société était détenue par FUEL (60%) et Médine (40%). A la fin des années 1990, les dirigeants de l’industrie sucrière prévoyaient la fin du protocole sucre (avec l’UE) et la crise que cela entraînerait pour le secteur. Chez WEAL, comme dans d’autres entreprises, les actionnaires se préparent à l’ère post-sucre mais envisagent des stratégies différentes : certains souhaitent s’étendre sur le continent africain, tandis que d’autres cherchent des alternatives à la canne à sucre.
Le démantèlement de WEAL a d’abord été suggéré par Pierre Doger de Spéville et René Leclézio et a mis un an à se concrétiser en 2001. Cette scission a permis à Médine d’assumer pleinement son identité distincte (en tant que grand propriétaire terrien de la côte ouest) en acquérant la latitude nécessaire pour initier et développer sa stratégie post-sucre.
Médine a déménagé son bureau municipal au Harbour Front Building, sur la rue John Kennedy à Port Louis. En 2004, le Conseil d’administration de Médine a commandé une étude pour repenser son fonctionnement et sa stratégie. Une équipe d’urbanistes, d’architectes et de sociologues a travaillé ensemble sous la direction de Maurice Giraud pour produire un document complet couvrant le développement durable de 3 000 hectares de terres de choix sur la côte ouest de l’île Maurice.
Le schéma directeur de Médine 2005-2025 a été rendu public en 2006. Ce projet à part entière englobe l’ambition stimulante et novatrice de créer l’équilibre parfait entre les développements résidentiels, industriels, commerciaux et récréatifs. Il fut régulièrement mis à jour pour tenir compte des défis et des opportunités rencontrés au cours du processus de mise en œuvre.
En 2009, le conseil d’administration a décidé de renommer The Medine Sugar Estates Co Ltd en Medine Limited et la société a été restructurée en trois pôles : Immobilier, Agriculture et Loisirs. D’ici une quinzaine d’années, Médine souhaite se positionner comme pionnière du développement durable et harmonieux, notamment à travers la mise en place d’une Smart City dans la région de Cascavelle/Flic-en-Flac. Ce nouveau quartier urbain, sous la tutelle du pôle Immobilier, dispose déjà d’un complexe commercial, de résidences étudiantes et d’un parc d’activités high-tech et s’apprête à présenter des atouts encore plus attractifs : espaces verts, zones piétonnes/cyclables, centre d’art et une installation sportive à côté d’un campus universitaire de premier ordre.
Une gare routière soutiendra également ce projet de Médine, fournissant davantage de services à toute la région. Le cluster Education a vu le jour en 2014 et il a été décidé en 2015 de supprimer progressivement la marque ombrelle « Médine Loisirs ». Tamarina (Maurice) et Casela World of Adventures sont désormais deux sociétés à part entière opérant dans le secteur du tourisme/loisirs. En 2015, le siège social de Médine a été déplacé de Port Louis vers le Business park de Cascavelle, mettant ainsi un terme à 104 ans de présence dans la ville. Le prochain mouvement est bientôt ; en plein cœur de Médine Smart City.
En arabe, Al-Madina cultive deux significations : «La Ville» en tant que lieu de brassage et de modernité, mais aussi la ville par excellence, c’est-à-dire Médine, la deuxième ville sainte de l’islam. Contrairement à la plupart des autres journaux saoudiens, le journal Al-Madina est un des bastions du conservatisme. Il lui arrive toutefois de publier des éditoriaux intéressants.
Les communautés urbaines durables de demain auront besoin de l’océan indien pour explorer de nouveaux progrès dans les domaines des villes futures, de la transition énergétique, de l’action climatique et de l’économie numérique.

Par Kevin LOGNONÉ

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