Canada: l’abbé Paul Le Floc’h, « prêtre transatlantique » faisait naviguer les Bretons jusqu’au Saskatchewan
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L’abbé Paul Le Floc’h, prêtre de Guingamp, a recruté 300 personnes intéressées à recommencer leur vie au Canada. Il a organisé cette épopée transatlantique en 1904, un an avant la fameuse loi de séparation entre l’Eglise et l’Etat. La première grande traversée a pris forme le 1er avril 1904 à Saint-Malo à bord du vapeur »Le Malou » en provenance de Marseille, pour une traversée spartiate pour les 183 passagers d’entrepont qui les emmnera à Halifax le 23 avril et, de là, par train à Montréal puis Winnipeg et enfin Prince Albert (Saskatchewan).
Il ne faut pas oublier dans sa lettre publiée dans les colonnes de l’Quest-Éclair le propre programme du père Le Floc’h, à savoir l’établissement d’une église au cœur de la nouvelle colonie française au Saskatchewan. Son projet était de la construire à proximité de la gare et de l’appeler église Saint-Yves. En plus il veillerait à ce que même les plus éloignés de ses nouveaux paroissiens habitent à seulement huit ou neuf miles de l’habitation.
Dans un appel direct à ses compatriotes bretons, il les exhorte à se dépêcher : « Le pays du Canada est au pillage… » écrit-il. Des hordes d’immigrants affluaient dans les prairies canadiennes en provenance d’Angleterre, d’Irlande, de Suède, de Hongrie, de Galice, de Roumanie, d’Allemagne et d’autres pays. Seuls les Bretons restent à l’écart, alors qu’ici ils sont réputés être les meilleurs agriculteurs. Encore une fois, nous devons nous dépêcher pour éviter que des étrangers ne nous devancent.
Nous sommes en 1904 et le Père Le Floc’h est de retour en Bretagne pour une nouvelle tournée de recrutement. Les diocèses francophones de Bretagne comprennent Dol, Nantes, Rennes, Saint-Malo et Saint-Brieuc. Le Père Le Floc’h a rassemblé certains des dépliants d’immigration conçus par le gouvernement et par le chemin de fer Canadien Pacifique. Une grande partie de ces publications avait été traduite dans un certain nombre de langues européennes, y compris le français, et en outre dans l’espoir d’attirer des colons francophones non seulement de France, de Belgique et de Suisse, mais aussi du Québec et des États-Unis.
Or, Victor Colvez n’était pas un agriculteur : le Canada voulait-il recruter des gens comme lui, un citadin, un boulanger ?
Il avait plus de quarante ans et avait une femme ainsi que cinq enfants qu’il fallait loger, nourrir et envoyer à l’école. Victor Colvez a dû se demander si le gouvernement canadien, et même l’Église elle-même, allaient accepter sa candidature.
Malgré ces doutes, Victor décida de tenter le coup et s’engagea dûment auprès du Père Le Floc’h.
Le paquebot Le Malou de 3 081 tonnes est parti de Marseille, dans le sud de la France, pour son voyage inaugural. Le 1er avril 1904, il récupère des passagers à Saint-Malo, sur la côte bretonne.
L’abbé Le Floc’h, un passager en classe cabine, était répertorié comme étant à destination de Prince Albert. La plupart des 183 passagers de direction étaient décrits comme des agriculteurs, avec quelques autres métiers : boucher, charpentier, imprimeur. Victor Colvez, son épouse (prénom non inscrit) et leurs enfants Léonie, Victor, Maria, Henri et Yvonne étaient collectivement décrits comme des « agriculteurs » et leur destination, Prince Albert.
Léonie, Victor Jr. et Henri étaient répertoriés comme « adultes » alors que Léonie, l’aînée, n’avait que quinze ans. Maria et Yvonne ont été décrites comme des « enfants entre 1 et 4 ans ».
Comme Denys Bergot, l’un des compagnons d’immigration de Victor Colvez, l’a décrit plus tard, les conditions à bord du Malou n’avaient pas été faciles pour les passagers.
Ils étaient entassés dans des quartiers spartiates bordés de couchettes mais sans table ni banc. La nourriture était servie au sol dans de grands bols métalliques dans lesquels les passagers, par groupe de dix, se servaient eux-mêmes. En plus du petit groupe du Père Le Floc’h, douze cents pêcheurs étaient montés à bord à Saint-Malo, à destination de la pêche à la morue de Terre-Neuve. Certains pêcheurs étaient turbulents et grossiers, et la nuit, les bols de nourriture en métal disposés sur le sol du bateau se déplaçaient et s’agitaient. Un temps orageux alternait avec un épais brouillard qui ralentissait la progression du navire.
À leur arrivée à Saint-Pierre-Miquelon le 15 avril 1904, les pêcheurs débarquèrent pour se diriger vers les pêcheries de morue, mais le navire fut retenu par la mer et les glaces six jours supplémentaires.
Par Kevin LOGNONÉ