Europe: Lawrence d’Arabie et le temple de Lanleff dans les Côtes d’Armor
Partager la publication "Europe: Lawrence d’Arabie et le temple de Lanleff dans les Côtes d’Armor"
Le Pays-de-Galles et la Bretagne partagent bien plus que des échanges interculturels et interceltiques. Le passage de Lawrence d’Arabie dans le pays historique du Goëlo témoigne d’un éveil très fort pour l’orientalisme qui a bercé l’imaginaire de ces deux territoires depuis les croisades en Terre sainte.
Le « temple » de Lanleff est sans doute le plus ancien édifice du Haut Moyen-Age encore visible en Côtes d’Armor, voire en Bretagne. Remarquable par ses deux enceintes concentriques du plus pur style roman primitif, en particulier les 12 arcades de la rotonde intérieure. On a, en outre, compté plus de 140 éléments décoratifs ornant les chapiteaux et les bases de colonnes dont une fameuse
représentation de « Adam pudique ». Le charme du bâtiment se trouve renforcé par le mystère de son origine.
Le temple de Lanleff est aujourd’hui un monument en ruines, en grès rose. Ce plan circulaire, peu fréquent dans la région, a suscité chez les premiers archéologues de nombreuses hypothèses « quant à son origine et son utilisation : temple romain ou gaulois, baptistère mérovingien ou encore église des Templiers (qui explique le nom populaire donné à l’édifice, bien que leur présence ici n’ait jamais été attestée) ». C’est en fait une ancienne église romane, construite sur un plan circulaire, comme, plus tard l’église abbatiale Sainte Croix-de-Quimperlé. Si sa forme fait référence à celle du Saint Sépulcre de Jérusalem, il s’agit ici « d’une rotonde mariale dont le nombre est grand en Europe à l’époque romane ».
En l’absence de documents d’archive précisant la date de construction, la datation repose uniquement sur l’analyse stylistique de l’édifice et prête à débat.
La plus ancienne photo connue du Temple date du 18 août 1858.
Thomas Edward Lawrence, dit Lawrence d’Arabie (1888-1935), célèbre colonel gallois est connu pour son engagement dans la grande révolte arabe entre 1916 et 1918.
Avant sa traversée du désert, il sillonna en 1908 toute la Bretagne sur son vélo de course pour étudier la poterie médiévale vitrifiée au plomb ainsi que des reliques des croisades.
Cette période de sa vie est très largement méconnue. Il semblerait que le jeune aventurier était aussi à la recherche d’une rose des sables.
Ses études en archéologie à l’université d’Oxford (Magdalen College) l’amènent à s’intéresser à l’influence de l’architecture défensive des croisades dans le patrimoine bâti. Sa thèse reçue mention
« first class » à l’université d’Oxford établit que les croisés ont implanté dans les défenses castrales de leurs États le donjon roman à quatre faces conçu en Europe avec des modifications. Ils n’ont pas ajouté de contreforts comme c’était souvent le cas en France durant le XIIe siècle, mais ont placé ce que l’on appelle des pierres à bossage (demi-sphères en saillie destinées à dévier les projectiles et quartiers de roc projetés par les mangonneaux). Lawrence montre que la différence principale vient de la rareté du bois au Levant, qui a obligé les constructeurs à séparer les étages par des plafonds en pierre, alors qu’en Occident on établissait encore des planchers en bois
Lawrence d’Arabie en quête d’un parcours spirituel, amateur d’architecture ou touriste curieux se
serait intéressé à ce patrimoine fascinant pour préparer sa traversée du désert.
Un croquis de son périple breton a été retrouvé à l’hôtel du Midi, situé sur la commune de Châlus en Haute-Vienne, où Lawrence d’Arabie a fêté ses vingt ans. Cette commune de Nouvelle-Aquitaine n’a pas été choisie au hasard. Richard Cœur de Lion est décédé à Châlus lors du siège de la ville en 1199. Dans une lettre adressée à sa mère, Lawrence d’Arabie y souligne cette dimension mémorielle.
Le passage de Lawrence d’Arabie au temple de Lanleff est bel et bien mentionné dans ce croquis.
On peut y voir la piste des Templiers qui a pu intéresser Lawrence d’Arabie et de leurs commanderies dans les Côtes d’Armor. Leur rôle a été très important pour financer les croisades. Otages d’un conflit entre la monarchie française et la papauté, les Templiers connurent une fin tragique après deux siècles d’une brillante épopée en Terre sainte aux côtés des croisés.
Par Kevin LOGNONÉ