France : “Nos doléances à l’ambassade du Tchad en France sont restées lettre mortes” dixit HISGUIMA DASSIDI Crépin, Président des étudiants Tchadiens de France.

Union des Associations des Étudiants Tchadiens de France (UAETF ) est sans doute l’une des plus dynamiques associations des tchadiens en France, mais cette association traverse des difficultés  pour porter la voix des étudiants tchadiens aux près des autorités. Le journal l’œil du Sahara s’est entretenu avec HISGUIMA DASSIDI Crépin, président de cette association, basée à Paris. L’occasion de revenir sur son bilan, ses initiatives pour améliorer les conditions des étudiants en France et ses perspectives.

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Journal l’œil du Sahara : Bonjour Monsieur le Président, cela fait une année exactement que vous êtes à la tête de l’Union des Associations des Etudiants Tchadiens de France (U.A.E.T.F), quel est votre bilan à mi-mandat ?

HISGUIMA DASSIDI Crépin: Oui bonjour, merci pour l’opportunité que vous m’offrez à travers cette interview, pour dire ce que je pense de la communauté estudiantine tchadienne de France.
Pour tout vous dire, cela fait effectivement une année que nos camarades nous ont fait confiance en nous élisant à la tête de cette Union qui rassemble aujourd’hui l’ensemble des associations des étudiants tchadiens de France. C’est à la fois un honneur et un sacerdoce que les autres membres du bureau exécutif et moi-même avions accepté pour permettre d’apporter une nouvelle donne au sein de la communauté estudiantine tchadienne de France. Dès l’installation de notre bureau, nous avions tenu des réunions avec l’ensemble des associations locales qui sont au sein de l’union afin d’identifier les besoins locaux des étudiants tchadiens de France. Après s’être imprégné des besoins locaux des conditions de vie des étudiants tchadiens, nous avions lancer le recensement générale des étudiants tchadiens de France. Je suis aujourd’hui à mesure de vous dire que plus de 3100 étudiants tchadiens étudient actuellement dans les universités françaises en 2023. Nous avions mis en place le bureau de l’Assemblée Générale de l’Union qui fait office de Parlement, c’est une entité qui joue le rôle de contre- pouvoir de l’exécutif. Ce pour vous dire que les Pères fondateurs de cette Union ont eu à cœur la nécessité de mettre en place une structure avec des institutions fortes capable de fédérer les ambitions de chacun et de tous. Puisque nous jouons également le rôle d’intermédiaire entre les étudiants tchadiens et les autorités, nous avions plusieurs fois présenté les doléances des étudiants tchadiens de France aux autorités de l’Ambassade, mais force est de constaté que du côté de la représentation diplomatique, nos doléances sont restées lettre morte, c’est ce que nous déplorons. Dans le but de valoriser la culture tchadienne et promouvoir les talents tchadiens en France, nous organisons, Dieu voulant, au mois de juillet dans la belle ville de Nantes, la journée culturelle, sportive et entrepreneuriale des étudiants tchadiens de France. Ce rendez-vous permettra de découvrir les merveilles de la communauté tchadiennes de France.
Sur le plan international, nous avions représenté les étudiants tchadiens de France aux assises de la 4ème édition du Forum des étudiants Tchadiens de l’étranger organisé par la Confédération des Associations Estudiantines Tchadiennes dans le Monde (C.A.E.T.M) du 8 au 10 juillet 2022 à Dakar. Lors de ce forum, nous avions rappeler la nécessité pour les étudiants tchadiens de l’étranger d’être solidaire et unis pour mieux défendre nos droits et constituer une meilleure force de propositions. Nous appelons aussi à l’organisation des élections au sein de la confédération pour qu’elle soit en phase avec les textes de cette structure et les réalités actuelles. Par ailleurs, nous préparons activement notre entrée prochaine à la confédération des étudiants africains de France. L’idée est d’inscrire notre union dans une dynamique plus grande que celle que nous menons tout seul. C’est aussi le lieu pour moi de dénoncer la situation actuelle des étudiants africains venant d’Ukraine qui ont du mal à continuer leur cursus en France, pendant que les étudiants ukrainiens ont largement bénéficié des facilités pour continuer leur cursus. J’en appelle donc à plus d’humanisme envers les étudiants africains qui ont fui la guerre en Ukraine pour venir en France. La France qui est un pays de droit de l’homme ne peut pas se permettre d’avoir une telle situation sur son sol. Je plaide également pour que ces étudiants africains provenant d’Ukraine puissent bénéficier des avantages qu’ont les autres étudiants en France.
Bref, c’est pour vous dire qu’en une année, nous avons rassemblé l’ensemble des étudiants tchadiens au sein d’une structure commune et impulser une nouvelle dynamique au sein de la communauté estudiantine tchadienne, chose qui n’existait pas depuis plusieurs années. Après la journée culturelle, nous projetons l’organisation d’un forum des étudiants tchadiens de France.

 

Journal l’œil du Sahara : Vous venez de dire que vos doléances à l’Ambassade du Tchad en France sont restées lettre morte, quelles sont vos relations avec l’Ambassade ?

HISGUIMA DASSIDI Crépin :Bien écouté! l’Ambassade du Tchad en France est notre représentation diplomatique, nous entretenons des bonnes relations.Nous avons été reçus plusieurs fois par les autorités de l’Ambassade. Ce que nous déplorons, c’est la non prise en compte de nos doléances. Depuis une année, nous n’avons reçu aucune réponse formelle de l’ambassade concernant nos doléances. Comment pouvez-vous comprendre que l’Union qui représente une bonne partie de la communauté tchadienne de France n’est pas soutenue financièrement par la représentation diplomatique ? Dans d’autres pays comme en Turquie, Russie, etc. les Ambassades Tchadiennes dans ces pays soutiennent les activités des étudiants tchadiens mais ici en France, cela n’est pas le cas pour l’Union. L’Union n’a rien reçu de l’Ambassade dans le cadre du soutien à nos activités depuis une année. Dans d’autres pays, le bureau national des étudiants rencontre les autorités (en mission) pour présenter leurs doléances mais pour notre cas, les multiples tentatives de demandes d’audiences de l’Union avec les autorités n’ont reçu aucune réponse favorable de la part de l’Ambassade. Nous n’avons pas deux nationalités. Si notre Ambassade ne nous aide pas, quelle autre Ambassade pourra nous aider ici en France ? On nous annonce la venue de l’Ambassadeur Monsieur Ahmat MAKAILA que je salue la nomination au passage. Nous osons croire qu’avec lui la situation va s’améliorer. L’espoir est permis.

Journal l’œil du Sahara : Quelle est la situation des étudiants tchadiens de France ?

HISGUIMA DASSIDI Crépin: Cher frère journaliste, c’est une question assez large qui peut faire l’objet d’un débat. Néanmoins, je vais très rapidement vous faire le point de la situation.
Il faut comprendre que la communauté estudiantine tchadienne de France est très courageuse et assez résiliente. Nous souffrons très souvent des préjugés qui font de nous systématiquement des opposants, en raison de la présence pendant de nombreuses années de jeunes activistes tchadiens en France. Ceci rend les autorités plus réticentes envers nous. Je tiens ici à rappeler que l’Union des Associations des Etudiants Tchadiens de France (U.A.E.T.F) que je dirige est une structure apolitique qui ne vise que l’intérêt commun des étudiants tchadiens de France, l’amélioration de leur condition de vie, la cohésion et la solidarité au sein de la communauté estudiantine. Les étudiants tchadiens de France ne sont pas des opposants. Nous sommes justes exigeants. Le premier problème que rencontre les étudiants tchadiens de France est celui du logement. Je me réjouis du fait que cette année, l’union a très rapidement travaillé les associations membres afin de résoudre ce problème avec les maigres moyens que nous disposons. C’est le lieu de demander le soutien du Ministère des Affaires Etrangères du Tchad afin d’activer le levier diplomatique pour permettre aux étudiants tchadiens de France d’avoir plus de faciliter pour obtenir des logements universitaires avant leur arrivée en France. Ensuite, il y a le problème du renouvellement des titres sécurisés(Passeport, etc.) qui demeure un grand problème. Lors d’un séjour privé au Tchad en 2021, nous avions plaidé auprès de l’ANATS afin de trouver une solution à ce problème. C’est ce qui s’est matérialisé par l’envoi d’une mission qui a réussie à enrôler une bonne partie des étudiants tchadiens demandeurs des titres sécurisés. Sauf que cette mission est temporaire alors que le besoin se fait sentir chaque année au sein de la communauté estudiantine. C’est le lieu ici de demander une décentralisation de l’octroi de ces titres. Il faut avoir des antennes de l’ANATS dans toutes les ambassades. Il n’est pas normal que les étudiants tchadiens repartent au pays pour uniquement renouveler le passeport. Il y a également des étudiants tchadiens qui sont temporairement dans des difficultés pour une raison sociale, mais n’arrivent pas à être soutenus. Il faut un fonds social pour soutenir tous ces étudiants afin de leur permettre de mieux étudier. Les étudiants tchadiens ont souvent des problèmes pour trouver des stages de fin de formation en France, pendant que l’Ambassade a la possibilité de recruter pour le stage plusieurs étudiants qui sont dans le besoin. Nous demandons que l’ambassade puisse soulager la communauté estudiantine en recrutant quelques étudiants sur la base de la compétence pour un stage afin de leur permettre de valider leur fin de cursus académique. Il faut également rappeler que des étudiants tchadiens envisagent d’entreprendre au pays mais n’arrivent pas à avoir la possibilité de créer une entreprise depuis la France. Il est temps de dématérialiser la procédure de création des entreprises pour la diaspora. Ceci est également important. Enfin, il y a le manque d’accompagnement des activités associatives de la communauté estudiantines(l’Union) par l’Ambassade, alors qu’il y a un budget pour cela. Malgré ces difficultés, il y a en France une communauté estudiantine qui fait preuve de patriotisme, de courage, d’abnégation dans le travail, les études et une communauté qui montre chaque jour ses capacités de résilience, ses talents et sa volonté de contribuer activement au développement du Tchad.

Journal l’œil du Sahara : Qu’est-ce qu’il faut faire pour que la diaspora tchadienne contribue effectivement au développement du pays ?

HISGUIMA DASSIDI Crépin:  Je plaide pour une utilisation efficace de la diaspora tchadienne. Pour cela, il faut agir sur quatre piliers.
Le premier pilier est économique : Il faut des reformes allant dans le sens de convaincre la diaspora de rentrer pour créer de la richesse au pays. Il faut des politiques économiques incitatives, notamment une facilité au retour et à l’installation, une procédure dématérialisée de création d’entreprise en ligne depuis le pays d’accueil et la possibilité d’avoir un accompagnement financier avec des taux faibles afin de booster la dynamique. L’accès au foncier doit être facile pour cette diaspora avec à l’appui une possibilité d’emprunter à des taux réduits auprès de la Banque de Habitat du Tchad (BHT) pour permettre à cette diaspora de mieux envisager son retour au pays. Je formule ici le vœu d’un quartier de la diaspora tchadienne à N’Djamena. Ceci est un symbole important et contribuera à encourager les jeunes à rentrer. Il faut baisser les coûts de transaction des envois des fonds. Cette diminution des couts va booster les envois de fonds de la diaspora et augmenter les investissements, chose essentielle pour la performance économique d’un pays. Par exemple, L’ANIE doit avoir une antenne dans chaque représentation diplomatique du Tchad à l’étranger afin de mieux convaincre la diaspora sur la nécessité d’investir au pays et leur présenter les avantages à le faire. Je rêve d’une diaspora qui contribue à au moins 15% du PIB tchadien. Ceci passe par des reformes courageuses et une volonté politique affichée et assumée.
Le deuxième pilier est l’inclusion : Ici, il est question de permettre à la diaspora de participer à des prises de décisions sur l’avenir du pays. Il faut un quota d’au moins 10% dans les nominations pour envoyer un signal fort à cette jeunesse qui s’est formée à l’étranger afin de rentrer pour contribuer au développement. Beaucoup de tchadiens talentueux offrent leurs compétences à d’autres pays alors qu’ils peuvent également le faire pour leur propre pays.
Le troisième pilier est la structuration de cette diaspora : Il faut travailler à l’idée d’avoir une structure indépendante qui fédère l’ensemble de la diaspora tchadienne. Cette structure peut prendre la forme d’un Conseil des Tchadiens de l’Etranger (CTE). C’est une structure qui peut servir de cadre d’échange pour la diaspora et constituer une force de propositions pour le développement du Tchad.
Enfin, il faut créer un environnement qui favorise la mobilité de cette diaspora. En effet, cette mobilité pourra permettre à la diaspora de mener des activités au pays. Elle pourra par exemple donner un coup de pouce au secteur de l’éducation, la recherche et l’innovation. Ceci passe par la reforme du code de Travail et une volonté politique manifeste des autorités pour permettre à cette composante de la population de mieux servir son pays tout en résidant à l’étranger.

Propos recueillis par Kenzo Brown

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