Tchad : Succès Masra sort enfin de son silence

 

Succès Masra s’est prononcé sur les faits du livre qu’il coécrit qui ont secoué la toile tchadienne cette semaine.

« Que chacun de nous fasse un pas vers l’autre, dans une attitude de vérité, de réparation, de pardon national et de protestation de notre avenir commun », a-t-il écrit sur sa page Facebook.

Dans son message, Succès Masra est revenu en détails sur le livre et demande pardon au peuple tchadien.

Voici l’intégralité de son message

CHEMIN DU PARDON NATIONAL : LETTRE AU PEUPLE TCHADIEN

Que chacun de nous fasse un pas vers l’autre, dans une attitude de vérité, de réparation, de pardon national et de protection de notre avenir commun.

Tchadiennes, Tchadiens, mes chers compatriotes.
Bonjour, AlSalam Aleikoum, Lapia lessi, lalé yessi.

Suite au débat légitime qui a lieu relativement à un des livres que j’ai coécrit il y a bientôt 12 ans, je voudrais avoir l’occasion ici de m’en expliquer, par responsabilité vis-à-vis de vous tous qui vous sentez injustement heurtés dans votre identité et auprès de qui je voudrais ici m’excuser.

L’ambition de ce livre c’était d’interroger la responsabilité de tous les régimes successifs du Tchad, depuis les indépendances jusqu’aujourd’hui et qui ont utilisé la fibre ethnique et régionale. J’aurai pu vous demander d’emblée que celui qui n’a point péché me jette la première pierre. Car, comme vous le savez tous, Al ma yahata illé Allah, seul Dieu ne pèche pas.

Mais comme nous sommes dans un pays qui se veut opportunément laïc à cause de notre diversité qui doit devenir une force, permettez-moi de vous exprimer ma conviction et mon profond sentiment : j’aime profondément le Tchad et j’aime tous les Tchadiens et ceci ne changera point. Je n’ai ni rancœur, ni haine de personne et d’aucune communauté. Je n’ai qu’une seule détermination irréversible qui est de transformer, avec vous, notre pays en une terre de justice et d’opportunités pour tous ses enfants.

Aujourd’hui je ne peux m’exprimer comme je l’aurai fait il y a 10 ou 15 ans, même dans la colère ou l’indignation. Je savais, en m’engageant pour notre pays que ce débat allait arriver et c’est tant mieux qu’il ait lieu maintenant. La question ethnique fait clairement partie des maux qui empêchent au Tchad d’aller de l’avant. Tous les régimes successifs ont eu leur lot d’exactions et d’utilisation de la fibre ethnique pour esquiver leurs responsabilités réelles : à savoir gouverner dans la justice pour que chaque tchadienne et chaque tchadien ait une vie digne.

Né moi-même après la guerre de 1979, plus jeune, j’ai grandi avec une partie subjective de cette histoire douloureuse, en partie vécue, en partie racontée. Aujourd’hui, l’homme que je suis, totalement libre de ses jugements et surtout résolument tourné vers un Tchad nouveau, je voudrais vous convier avec responsabilité, à considérer que la seule façon de sortir définitivement de ce cancer qu’est la fibre ethnique et régionale que des politiciens véreux exhibent pour faire peur et diviser, c’est de nous asseoir tous autour d’une table de discussions républicaines sincères.

Nous ne pourrons plus mettre sous le tapis ces sujets qui fâchent et qui ont fait perdre du temps depuis des décennies à notre pays. C’est pourquoi nous réitérons ici notre appel pour un Dialogue National de Vérité, de Réparations, de Pardon National et de Protection de l’avenir en commun en mettant le doigt sur ce qui doit changer et en mettant de côté nos hypocrisies collectives. Vous, nouvelles générations, vous avez ici un rôle majeur à jouer. Ne laissez personne vous dicter votre indignation, et vos choix et vos engagements pour votre pays. Prenez vos responsabilités.

Pour ce Tchad nouveau, chacun de nous doit se transformer et faire un pas vers l’autre. Je nous invite donc tous à cet exercice d’humilité collective à laquelle je me soumets ici. Organisons les débats, parlons de ce qui doit nous préoccuper : l’eau, l’électricité, un toit décent, un emploi décent, la même justice sociale pour tous, les mêmes droits et devoirs pour tous les citoyens Tchadiens. Voyez-vous, ces choses essentielles pour nos vies, n’ont ni religion, ni ethnie, ni croyances, ni genre et ni province.

C’est cela l’essentiel et c’est devant, c’est Kété, c’est Guidam. Prenons rendez-vous avec cet avenir plein d’espérance. Je vous souhaite par avance mes meilleurs vœux et que 2020 soit une année de nouveau départ pour chacun de nous et pour notre pays.

Ndjamena, le 24 décembre 2019

Je vous remercie. Shoukrane lekoum.
Succès MASRA

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