Afrique : Les corsaires du désert : de Jacques Cassard à Jules Verne
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Créé en 2006 afin de répondre à une communauté francophone grandissante sur Abou Dhabi, l’école d’Al Bateen n’avait vocation à n’accueillir que des classes du primaire. C’est tout naturellement que le nom de Théodore Monod dont l’amitié avec Louis Massignon s’est forgée dans un grand orientalisme et humanisme, a été choisi pour le développement de cette enceinte éducative située dans un désert incubateur entre les civilisations jusqu’au règne de Sheikh Zayed.
Théodore Monod est un scientifique, naturaliste biologiste, explorateur, érudit et humaniste français. Il est le grand spécialiste français des déserts, l’un des plus grands spécialistes du Sahara au XXe siècle et bon nombre de ses 1 200 publications sont considérées comme des œuvres de référence.
Après de nombreuses traversées éprouvantes du désert du Sahara en Afrique, Théodore Monod se consacra au désert libyen. En 1993, à l’âge 91 ans, il entama une dernière expédition dans la Majabat al Koubra, le désert des déserts. A l’issue de celle-ci Théodore Monod descendit pour la dernière fois de son chameau. Le Courrier de l’Unesco avait publié en 1994 un entretien où il défendait le peuple touareg, « ces corsaires du désert » dont il admirait le nomadisme.
Cette métaphore corsaire mérite d’être approfondie car elle est la source d’une grande créativité littéraire mais aussi d’un voyage des profondeurs de l’histoire humaine aux aspirations du futur.
En Loire Atlantique, on associe le port de Cordemais à l’origine latine : « Cor Maris » autrement dit « Cœur de Mer ». Son centre de découvertes, Terre d’Estuaire est l’un des rares lieux d’interprétation thématique en Europe à la croisée de la puissance corsaire de Jacques Cassard et des vents porteurs de Jules Verne. L’espace saharo-sahélien est un lieu idéal pour débattre du parallélisme étonnant entre ces deux personnages.
Moins connu que son cousin Surcouf, le corsaire de l’estuaire de la Loire, Jacques Cassard, fut chargé en 1710 par le secrétaire d’État français Pontchartrain de protéger des convois de blé venant de Tunisie vers la France menacée de famine. Le petit âge glaciaire du XVIIe siècle sévissait sous l’Ancien régime avec une succession d’hiver glacial et d’été pourri. Le froid atteignait -25 °C en rase campagne et il gelait dans les chaumières.
L’adversité corsaire permit de venir en aide à cette crise de subsistance. Et nourrir la créativité littéraire de Jules Verne.
En 1905, année de la mort de l’écrivain, son dernier roman : « L’Invasion de la mer », est consacré à l’utopie des bâtisseurs d’une seconde Méditerranée en plein Sahara. L’énorme évaporation produite par le soleil saharien, poussée par les vents du Sud vers les crêtes élevées de l’Aurès, irait s’y résoudre en pluies, y créer des sources, y ramener la fertilité qui faisait jadis des plateaux de Sétif le grenier de Rome.
Vigies ou lanceurs d’alerte de la diplomatie du climat, les corsaires du désert existent-ils toujours ? Après son Youth Summit : Y7, la Présidence allemande du G7 a relancé une campagne Corsaires du plastique . Cette initiative allemande associe désormais le Portugal et la Slovénie : https://www.plastic- pirates.eu/en dans la lutte contre les déchets plastiques. Les outils de vulgarisation et de médiation scientifique de cette campagne éco-citoyenne pourraient peut-être inspirer des stratégies de valorisation de la perliculture et de l’économie circulaire en Afrique.
Longue vie aux corsaires du désert et de la circularité.
Par Kevin LOGNONÉ