Canada:  L’exil de l’Anjou bleu vers le Manitoba : du château du Percher à Saint-Norbert, quartier majoritairement francophone de Winnipeg 

«La conquête par le droit» a été rédigée en 1978 à l’initiative du Programme canadien des affaires correctionnelles autochtones. Ce document est l’un des rapports les plus complets qui existent sur les systèmes de justice traditionnels des peuples autochtones au Canada. On trouve à Saint-Norbert plusieurs facettes de l’histoire du Manitoba, carrefour des commerçants métis et des agriculteurs canadiens-français à la fin du XIXème siècle.
L’ancien monastère trappiste de Saint-Norbert est devenu un centre artistique et culturel. L’asile Ritchot a laissé place à la fondation X-Kalay conçue en janvier 1967, en grande partie par des détenus indiens du pénitencier de la Colombie-Britannique, qui la voyait comme un comme un foyer de transition.
Mais l’« autre fourche » au confluent des rivières Rouge et La Salle représente un espace qui mérite d’explorer davantage toutes les facettes de l’émigration européenne vers le Manitoba et ses influences croisées avec les peuples autochtones. Louis Riel avait envoyé à Ottawa le curé de Saint-Norbert, Noël Ritchot, et deux autres émissaires pour négocier l’entrée du Manitoba dans la Confédération. Pour remercier la Vierge Marie d’avoir permis la résolution pacifique du conflit entre les Métis et le gouvernement du Canada, l’abbé Ritchot a fait ériger en 1875 la petite chapelle Notre-Dame-du-Bon-Secours.
À 16 kilomètres au sud du confluent des rivières Rouge et Assiniboine, où la ville de Winnipeg a pris naissance, le confluent des rivières Rouge et La Salle était aussi un lieu de rendez-vous occasionnels des nations autochtones assiniboine, crie et ojibwée. Avec le développement de la traite des fourrures au 18ème siècle, c’est la nation métisse issue des mariages entre les voyageurs français et les femmes autochtones qui a colonisé pour la première fois la région de Saint-Norbert à partir de 1822. En plus de participer au transport de fourrures et de marchandises et de faire du commerce, les Métis cultivaient ces terres divisées selon la méthode française, en longs « lots de rivière » perpendiculaires au cours d’eau, pour que chacun ait accès à la rivière.
Lorsque la Compagnie de la Baie d’Hudson céda son immense territoire privé au Canada en 1869, incluant Saint-Norbert, l’entente verbale qui accordait aux Métis la propriété de ces terres ne fut pas reconnue tout de suite par le Canada.
Parmi les pionniers francophones Manitobains, on compte un personnage de l’Anjou tombé dans l’oubli : René Ernest Marie François, cultivateur, régisseur puis géomètre expert, né le 28 mai 1844 à Saint-Martin-du-Bois (Maine et Loire) et décédé vers 1904. Ce dernier s’est exilé à Saint-Norbert, quartier majoritairement francophone, de la banlieue sud de Winnipeg dans le Manitoba au Canada (acte de décès de sa fille Marthe).
Son épouse, Adèle Marie Françoise Anna née Chopin (1852-1927) ne suit pas son mari au Canada et s’installe au Lion d’Angers, à « La Rochette », propriété de Guy-Henri Chopin et Adèle Elise née François (1823-1909). Avant la séparation géographique et le départ vers le Manitoba, le couple s’est marié le 23 juillet 1872 à Champigné (Maine et Loire) et a eu six enfants.
Les raisons précises de l’exil de René Ernest Marie François restent encore à élucider, d’autant que la famille possédait un ancrage important dans l’Anjou bleu, aux portes de la Mayenne.
Son père, Joseph François (1794-1864) qui demeurait avec sa famille au château du Percher a été maire de Saint Martin du Bois (1844-1848). Son frère, Gustave Louis François né le 10 mai 1833 a été un expert foncier qui a vécu à Angers, notamment rue Saint Laud (1857), 21 rue St Joseph (1861), 34 rue d’Orléans (1871, 1875), Cloître St Martin (1886), 10 rue Paul Bert (1892). Tandis qu’un autre frère, Henri Benjamin François (1837-1916) a été régisseur du domaine du Chateau de Montfort-le-Rotrou. Enfin, Jules Alexandre François (1839 – 1920) qui faisait aussi partie de sa fratrie a été président de la chambre d’experts de l’arrondissement de Segré et maire de Louvaines (1902).
A 10 minutes de Segré, au cœur de l’Anjou bleu, le château du Percher occupé par cette grande famille nombreuse remonte au 16e siècle. Il possède une chapelle aux caractéristiques architecturales rares en Anjou. Il reste maintenant à éclairer les chemins de mémoire qui ont matérialisé la trajectoire d’émigration du berceau familial au château du Percher à Saint-Norbert, quartier majoritairement francophone de Winnipeg où René Ernest Marie François est décédé vers 1904.

Par Kevin LOGNONÉ

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