États-Unis : Présidentielle : un débat tendu truffé d’attaques personnelles entre Trump et Biden
« Washington, on a un problème. » À un peu plus de quatre mois de la présidentielle aux États-Unis, le camp démocrate a peur. Quelques secondes après la performance catastrophique de Joe Biden lors de son premier débat contre Donald Trump, jeudi 27 juin à Atlanta, les journalistes de CNN réunis en plateau rapportaient déjà que la panique avait atteint l’état-major du parti. Le New York Times, peu après, affirmait que certains hauts responsables songeaient à le remplacer par un candidat plus jeune. Il faut dire que le spectacle a été terrible. illustration crédit DR
« Washington, on a un problème. » À un peu plus de quatre mois de la présidentielle aux États-Unis, le camp démocrate a peur. Quelques secondes après la performance catastrophique de Joe Biden lors de son premier débat contre Donald Trump, jeudi 27 juin à Atlanta, les journalistes de CNN réunis en plateau rapportaient déjà que la panique avait atteint l’état-major du parti. Le New York Times, peu après, affirmait que certains hauts responsables songeaient à le remplacer par un candidat plus jeune. Il faut dire que le spectacle a été terrible.
Pendant 90 minutes, les deux prétendants à la Maison Blanche ont été interrogés sur une multitude de sujets de campagne, de l’économie à l’avortement en passant par les guerres en Ukraine et à Gaza. Mais les téléspectateurs – et parmi eux la poignée d’électeurs indécis dont le vote sera décisif dans les États clés – attendaient Joe Biden, 81 ans et Donald Trump, 78 ans, sur autre chose : leur comportement, leur ton et leur cohérence sur scène. Le premier n’a clairement pas été à la hauteur, le second brillant uniquement par contraste.
Joe Biden se vautre sur la forme…
Certes, grâce à des règles de modération plus strictes, les deux hommes ne se sont guère coupé la parole, évitant la cacophonie de leur premier débat, il y a quatre ans. Mais dès les premières minutes, le président démocrate perd le fil de sa pensée, bafouille, cherche ses mots. Puis vient un silence si gênant que les modérateurs de CNN reprennent la parole.
Donald Trump peut jubiler, lui qui répète à l’envi lors de ses meetings que Joe Biden est sénile et inapte à occuper le Bureau ovale. Sur la scène du débat, le républicain en a parfois profité pour en rajouter. « Je ne sais pas ce qu’il a raconté à la fin de cette phrase, je ne suis pas sûr que lui-même le sache », tacle-t-il après une sortie confuse de Joe Biden sur l’immigration. Donald Trump a ensuite mis au défi son concurrent de se soumettre à un « test cognitif ». « J’en ai réussi deux », s’est-il vanté, ajoutant qu’il était aussi très performant au golf. Et de conclure fièrement à côté de son voisin hagard : « Je me sens super bien ! »
« Repris de justice », « menteur », « pleurnicheur », « pauvre type », « loser » : Joe Biden a beau avoir eu quelques regains d’énergie au milieu du débat, les invectives lancées à son rival semblaient préparées à l’avance et sont comme tombées à plat face au reste de sa performance.
Il faut le répéter : dans ce débat, la forme comptait davantage que le fond. D’abord, parce que les positions des uns et des autres sont largement connues des Américains – Joe Biden est président, Donald Trump est son prédécesseur –, que le pays est polarisé comme jamais et que rares sont ceux qui n’ont pas une opinion déjà bien arrêtée sur les deux candidats. Ensuite, parce que cet échange en direct permettait de voir ce que chaque candidat avait dans le ventre.
Résultat : la prime est allée à celui qui s’exprimait avec le plus d’aplomb, peu importe la véracité de ses propos, que les modérateurs n’ont jamais pris la peine de corriger.
… et Donald Trump se moque du fond
À chaque thématique, le scénario était peu ou prou le même : Donald Trump lâche une contre-vérité (les migrants seraient pour la plupart des « violeurs » échappés de « prison » ou de l’ »asile »), une idée caricaturale (« nous ressemblons à un pays du tiers monde »), ou encore une énormité (« tout le monde voulait que Roe v. Wade, la jurisprudence garantissant le droit d’avortement, disparaisse ») et Joe Biden répond piteusement : « C’est faux ». Et même quand ce dernier tente d’argumenter à l’aide de chiffres ou d’exemples, il perd son fil, permettant au milliardaire d’enchaîner les victoires faciles.
D’autant plus faciles que le républicain avait dans son viseur des sujets qui touchent les Américains au cœur : « Je lui ai donné un pays sans inflation, il l’a détruit en jetant l’argent par la fenêtre. Des millions de personnes traversent la frontière et viennent prendre les emplois des Noirs et des hispaniques », a-t-il accusé, sans s’appuyer sur aucun chiffre. C’était là le bingo 2024 gagnant : faire un lien entre l’économie et l’immigration, tout en rappelant la déception des minorités à l’égard du mandat de Joe Biden.
À la fin du débat, Donald Trump ne s’embarrassait même plus à répondre aux questions des journalistes de CNN. Qu’a-t-il à proposer pour améliorer la situation des parents qui déboursent en moyenne 11 000 dollars par an pour mettre leur enfant à la crèche ? Malgré de multiples relances, les familles n’auront jamais la réponse. Des relances, il en aura aussi fallu trois pour qu’il daigne dire s’il accepterait les résultats de la présidentielle 2024 : « Si c’est une élection juste et légale, absolument », a-t-il finalement lâché. Il avait eu la même réponse en novembre 2020. Deux mois plus tard, ses partisans envahissaient le Capitole pour contester sa défaite.
Nul ne peut prédire le résultat de la prochaine élection. Mais ce débat est incontestablement une victoire pour Donald Trump, qui n’a finalement pas eu à faire grand chose face au sabordage humiliant de Joe Biden. Frantz Luntz, un célèbre consultant politique qui avait organisé un visionnage du débat avec un groupe d’électeurs indécis, a rapporté ses premiers résultat sur X (ex-Twitter). « Après la première pause publicitaire, j’ai demandé à mon groupe combien d’entre eux étaient plus enclins à voter Biden. Aucun n’a levé la main. La moitié avait voté pour lui en 2020. »
Par Rodrigue Izumo