Afrique: Des forêts pour toutes les envies ? Les débuts de la New Nature Economy
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Dans le cadre du projet européen EUAV Forests mené avec l’expertise de France Volontaires au Cameroun, une conférence débat s’est déroulée au bois Sainte-Anastasie de Yaoundé. Cette manifestation a été l’occasion de présenter les retours d’expériences de déplacements terrain menés au contact de trois territoires différents et milieux innovateurs d’Afrique centrale. Les intervenants étaient les suivants par ordre d’intervention : Kevin Lognoné, Steve Ndjiki et Morgane Gaudin.
Les échanges ont commencé par un point introductif pour rappeler l’importance des débuts de la New Nature Economy : un concept débattu à la suite d’un atelier de concertation ici-même au Bois Sainte-Anastasie avec des organisations de la société civile. D’où l’idée d’imaginer une boîte à outils : perlage, pharmacopée à faible impact, diamants alternatifs sans extraction forestière, bioéconomie mondiale, low-tech, industries créatives et culturelles, transmission des savoirs, valorisation des PFNL, agriculture durable (agroforesterie, intensification écologique)…
Dans un premier temps, Kevin Lognoné a exposé le défi d’identifier des informations sur la place que jouent les échanges transfrontaliers entre le Nigéria et ses voisins, en matière de valorisation de produits forestiers non-ligneux. Les aspects cosmétiques, alimentaires et médicinaux de ces produits sont aujourd’hui valorisés par de nombreux acteurs Nigérians, à travers le champ de la « New Nature Economy ». Aussi, Kevin Lognoné a présenté un travail de veille sur des données relatives aux flux transfrontaliers qui existent entre le Nigéria, le Cameroun et les autres pays qui composent l’espace des forêts du bassin du Congo.
Il en ressort selon lui deux défis : la féminisation des filières agro-forestières et la maritimisation. L’ONU maritime a organisé le même jour que cette conférence un grand forum de l’innovation maritime. Il existe aussi un réseau Si tous les ports du monde qui souhaite mieux relier les régions maritimes et portuaires. Des synergies entre les peuples de l’eau et les peuples des forêts sont à imaginer. Le réseau Si tous les ports du monde est aujourd’hui présidé par Georges Serre, ancien ambassadeur de France au Cameroun, en République démocratique du Congo et en Côte d’Ivoire.
S’agissant de la féminisation des filières, Kevin Lognoné a présenté sa rencontre avec la Fondation Jean-Félicien Gacha et des ressources créatives développées pour valoriser les produits forestiers non-ligneux dans les industries culturelles et créatives (pierres et perles des forêts).
Ensuite, Steve Ndjiki, chargé d’appui à la commercialisation des produits forestiers non-ligneux (PFNL) est intervenu sur la thématique : Douala, capitale économique du Cameroun : ville des opportunités. En deuxième intervenant, Steve Ndjiki a présenté sa mission de prospection et commercialisation des PFNL dans la ville de Douala. En prélude, il propose une première définition à l’assemblée pour saisir les contours d’un PFNL. Un PFNL : c’est un produit d’origine biologique autre que le bois, dérivé des forêts, d’autres terres boisées ou d’arbres hors forêt. Les PFNL d’origine animale sont classés en 8 catégories : animaux vivants ; cuirs, peaux ; miel sauvage et cire d’abeille ; viande de brousse ; matière première pour la préparation de médicaments et colorants … Les PFNL d’origine végétale sont classés en 8 catégories: aliments; fourrage; matière première pour la préparation de médicaments et de produits aromatiques.
Quelques exemples de produits forestiers non-ligneux sont mis en perspective : noix de coco, cacao, nibs de cacao. Quelques exemples de PFNL après transformation : huile de djansang, beurre de mangue sauvage, poudre de cacao. Pourquoi Douala est la ville des opportunités pour ces produits ?
Douala est la capitale économique du Cameroun. Elle est dotée d’un des plus grands ports d’Afrique centrale. Il existe aussi dans cette ville de nombreux prescripteurs et partenaires : de nombreux instituts de beauté, plus de 250 boulangeries, plus de 100 supermarchés.
Pour pleinement saisir ce potentiel, un atelier de travail et d’échange avec les responsables de salons de beauté a été organisé à la Cité SIC de Douala. Ainsi qu’un atelier de travail et d’échange avec les responsables des salons de coiffure.
La diversité des rencontres et méthodes de prospection pour commercialiser des produits forestiers non-ligneux ont souligné des difficultés liées aux politiques de chaque entreprise. La prospection se fait généralement dans les entrepôts qui se situent très loin du lieu de vente. Les jours de prospections varient d’une entreprise à une autre. S’ajoutent les difficultés liées aux facteurs externes : la conjoncture économique et enfin le manque de connaissance des produits forestiers non-ligneux.
Morgane Gaudin, volontaire EUAV projet FORESTS Cameroun au sein de l’ONG Tropical Forest & Rural Development était la troisième intervenante. En guise d’introduction, elle a rappelé le contexte de sa mission intitulée : « Renforcement de la résilience des populations par le développement de l’agriculture vivrière ». Son objectif visait à appuyer TFRD dans la conception d’un projet de développement rural. Ceci devant permettre de réaliser un diagnostic sur la situation de l’agriculture vivrière. Et enfin concevoir des outils de planification.
Sa méthodologie s’est construite avec les membres des GIC de 12 villages, sous la forme d’entretiens semi-directifs avec questions ouvertes pour identifier les problèmes, les besoins et les pistes d’action. Des entretiens collectifs ont aussi été menés avec les membres des GIC de 12 villages pour identifier les espèces cultivées et connaître la répartition des cultures dans l’année
S’agissant des calendriers agricoles, 24 parcelles ont été étudiées, soit 2 par village (échantillon = 10%) avec comme objectifs d’identifier et définir les systèmes de production et de récolter des données quantitatives sur la productivité des parcelles.
Une synthèse des données primaires a été l’occasion de faire ressortir des éléments clés sur le modèle agricole axé sur des méthodes traditionnelles : abattis-brûlis pour le défrichage, une rotation des cultures avec période de mise en jachère, des cultures intercalaires, pas d’intrants, pas de pesticides, et des outils manuels uniquement.
Les principaux problèmes identifiés étaient : la faible productivité, la pénibilité du travail, la manque d’outils, les problèmes d’accessibilité, les dégâts causés par les animaux sauvages et les insectes, l’enclavement : difficultés de commercialisation.
Concernant les espèces cultivées : Morgane Gaudin a répertorié vingt espèces identifiées. Majoritairement le manioc, le macabo, les arachides et le plantain. Parmi les pistes d’action proposées à la suite de ce déplacement-terrain, il en est ressorti plusieurs défis : améliorer les techniques de production : formations, apport matériel, mécanisation. Deuxième défi : limiter les dégâts causés par les animaux : installation de grillages. Troisièmement : limiter les dégâts causés par les insectes : utilisation de biopesticides. Enfin, améliorer la commercialisation des produits vivriers
Pour ouvrir le débat, Morgane Gaudin a proposé d’élargir la réflexion à plusieurs problématiques d’ensemble : le constat dressé sur la situation de l’agriculture vivrière à la périphérie nord de la Réserve du Dja s’applique-t-il à d’autres zones du Cameroun ? Quelles autres solutions peuvent être mises en place pour permettre l’intensification écologique de l’agriculture vivrière ? Comment améliorer la commercialisation des produits agricoles dans les zones enclavées ?
La Rédaction