Océan Indien :  De Moka à Socotra. Où se trouve l’étoile et la clé de l’Arabie heureuse ?

Situé à Sainte-Marie, le Domaine Moka cultive un voyage aux inspirations australes et orientales. Une invitation à redécouvrir l’avenue de Moka à Saint-Malo et la toile des échanges entre la cité corsaire et le port de Moka au Yémen ouvert sur un vaste arrière-pays historique et montagneux de socioculturel. Un Hôtel de l’Univers a pris place entre ces deux ports d’attache : l’un à Steamer Point dans le golfe d’Aden, l’autre au cœur des murailles de Saint-Malo intramuros. Mais plus étonnant est la relation triangulaire qui a pu naître avec l’océan indien et ses comptoirs administrés par Mahé de la Bourdonnais. La doctrine de l’officier malouin qui a fait la réussite du développement des Mascareignes peut-elle relancer le Yémen comme l’étoile et la clé de l’Arabie heureuse ?

La Journée des Nations unies pour la coopération Sud-Sud est célébrée le 12 septembre. Bénéficiant d’un bassin multiculturel et d’un maillon fort autour de la maritimité, la contribution des îles aux pays  du Sud pour développer rapidement des solutions d’agilité et de développement mérite d’être
soulignée.

Les îles de Kinmen, dont le nom signifie littéralement « la porte d’or », aidant Sao Tomé et Principe à améliorer la résilience et les ressources insulaires de ses fermiers ; l’aide de Cuba pour lutter contre le virus Ebola en Afrique de l’Ouest ; l’expérience mexicaine dans la diversification du maïs pour améliorer
la santé et la nutrition au Kenya ; les stratégies de la Colombie pour réduire la faim dans les pays mésoaméricains … autant d’exemples de la coopération Sud-Sud. Quid d’une coopération entre les
terres de Moka sur l’île de la Réunion et l’archipel de Socotra au Yémen ?

A l’échelle de l’océan indien, il existe des chemins de mémoire historiques et diasporiques Sud-Sud . Prenons l’exemple entre Madagascar et le Yémen. Mais ce symbole d’union reste fragile. « diaspora » vient du grec « dispersion », ce qui implique éparpillement, délitement, épuisement…

La formule Stella Clavisque Maris Indici (« L’Étoile et la Clé de l’Océan Indien ») résume la vision développée par Mahé de Bourdonnais pour s’affirmer dans le commerce interlope ouvert sur l’océan
« d’Inde en Inde » à une époque où la France contestait la suprématie britannique. Cette même devise
est encore inscrite dans les armoiries de l’île Maurice.

Pour réussir un tel pari, Mahé de la Bourdonnais a très tôt identifié l’importance de s’entourer de
botanistes, de profils scientifiques et d’explorateurs prêts à relever le défi d’une New Nature Economy. En somme : développer les aspects cosmétiques, alimentaires et médicinales de nouveaux produits des Mers du sud. A Pondichéry, il rencontre à l’explorateur et botaniste Pierre Poivre. Ce dernier développera par la suite des échanges avec le médecin et naturaliste Philibert Commerson pour
approfondir et transmettre cette aventure entre science et nature.

Il manque peut-être aujourd’hui une volonté politique forte, un suivi et une attention fédératrice qui pourrait rapprocher les îles de l’océan indien avec les rives sud du Yémen. Cette idée de se fédérer autour d’un berceau Sud-Sud existe et est déjà relativement active au niveau indianocéanique, mais elle gagnerait à s’étendre sur une route qui a fait l’âge d’or tant du premier or noir du Yémen que de l’île Bourbon : le café.

Il se dégage des archives de Hodeïda sur la côte occidentale du Yémen un curieux parfum de nostalgie. Peut-être parce qu’on éprouve, à les parcourir, le sentiment d’une occasion ratée, l’impression que la France aurait eu une carte à jouer au Yémen, sans qu’on sache vraiment si elle a préféré placer ses
pions ailleurs, à Djibouti, ou si elle a manqué sa chance. Car le déclenchement de la Première guerre mondiale mit fin à l’existence du vice-consulat du port de la Mer Rouge qui n’a jamais rouvert ses
portes après 1915.

La Réunion peut-elle réécrire une autre histoire, un autre chemin avec le Yémen secoué par des crises profondes avec ses voisins émiratis et saoudiens ? L’histoire multiculturelle, riche et complexe de ces deux Sud austral et oriental offre des opportunités pour lire le principe d’Archimède invitant à se saisir d’un levier pour soulever le monde.

Par Kevin LOGNONÉ

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