Monde: Et si l’Afrique échangeait avec les quatre Chines ?
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Officiellement, les relations diplomatiques se concentrent autour de l’influence de Pékin. Mais officieusement, le continent africain peut s’appuyer sur quatre pôles : Taïwan, Macao, Hong-Kong et la Chine continentale pour explorer de nouvelles capacités partenariales, managériales et d’innovation pour son développement. Passage en revue des stratégies d’influence à développer pour chacun de ces pôles.
Commençons par le moins connu: Macao qui souhaite clairement se positionner comme une plateforme d’innovation et d’échanges entre les pays lusophones comme le Brésil, l’Afrique du Mozambique à l’Angola et la Chine, depuis l’ouverture d’un Macao Startup and Innovation Center en 2017 et du développement du Macao Science Center dont l’architecture rappelle les découvertes astronomiques chinoises et leur relation avec l’océan.
Chaque année, des start-ups brésiliennes et portugaises dominent le concours d’innovation et d’entrepreneuriat de Macao (Macau Innovation and Entrepreneurship Competition). Ce concours, organisé par le Bureau du développement économique et technologique (DSEDT) de Macao vise à « intensifier la coopération » avec les pays lusophones dans les domaines de « l’innovation scientifique et technologique », selon Macao News.
En 2021, un projet de Biosolvit, une société brésilienne de biotechnologie spécialisée dans la protection de l’environnement, a remporté le premier prix, d’une valeur de 100 000 MOP (12 500 USD). En deuxième et troisième places, tous deux originaires d’Aveiro au Portugal, se trouvaient les projets de Nu-Rise, une start-up de radiothérapie, et de Ryapurtech, un spécialiste de la biopharmacie. Ils ont reçu des prix de 80 000 MOP (10 000 USD) et 50 000 MOP (6 250 USD), respectivement. Deux autres distinctions ont également été décernées, à la fois à des entreprises brésiliennes, pour un montant de 30 000 MOP, au projet Bioo (« Award for the Greatest Development Potential in the Greater Bay Area ») et au projet Pocket Clinic, qui développe des solutions de santé pour diabétiques (« Prix de la valorisation scientifique et technologique »).
Avec ce concours, le DSEDT espère « explorer des projets scientifiques et technologiques plus innovants du Brésil au Portugal », « les aider à s’installer à Macao » et permettre « l’expansion de leurs affaires à l’intérieur de la Chine ». En plus des prix en espèces, les entreprises gagnantes ont pu visiter la région de la Grande Baie et se connecter avec des institutions d’investissement et de financement et des incubateurs en Chine continentale et à Macao.
A chaque édition, ce concours a attiré 20 projets concurrents, recommandés par huit incubateurs et établissements d’enseignement supérieur au Portugal et au Brésil. Organisé par le DSEDT, en collaboration avec le Macao Young Entrepreneur Incubation Centre, Bank of China et Parafuturo de Macao, ce concours-tremplin vise également à contribuer à la diversification de l’économie du territoire, fortement dépendante du jeu des casinos et du tourisme.
Vu de Hong-Kong, Si Macao est la Lisbonne d’Orient, en Chine continentale Qingdao est sans doute le Brest ou le San Diego de l’Orient avec son pôle océanographique au cœur d’une province stratégique pour la Chine de demain et jumelée avec la Bretagne : le Shandong. Son gouverneur dirige une province de 97 millions d’habitants. C’est aussi un banquier et il était un candidat sérieux à la vice-présidence de la Chine dans la transition 2018-2019.
Le prochain Ocean Hackaton pourrait œuvrer au rapprochement de Brest, porte d’entrée du Ponant avec un partenaire chinois (Qingdao?) qui en serait la porte arrière. La relation de jumelage Brest Qingdao est active sur le plan scientifique et technologique…
La data des océans peut certainement jouer un rôle de coopération-tremplin vers l’Afrique en relation avec des ports européens comme Nantes ou Brest avec son Campus mondial de la Mer, son pôle MORESPACE, l’écosystème FrenchTech etc… à l’heure où les portes maritimes de la Chine se lancent à la conquête de nouveaux relais de croissance. L’exemple de Hong-Kong est très intéressant à ce titre. Plusieurs relais de croissance sont en train d’être explorés, développés et renforcés par le Port au Parfum :
-Les Fintechs et l’innovation
– La Route maritime de la soie du 21ième siècle
– La finance « verte »
– Hong Kong 2030+, un gigantesque plan d’aménagement du territoire qui entend exploiter la data de sa baie millénaire
Systèmes d’autoproduction d’énergie, de nourriture, ou permaculture, des initiatives low-tech portées par des innovateurs Taiwanais peuvent aussi apporter en Afrique des solutions simples pour un quotidien durable. L’occasion d’écrire une nouvelle histoire de la présence des quatre Chine « de la terre jaune au fleuve bleu », au moment où se sont clôturés les travaux du One Forest Summit à Libreville (Gabon) pour valoriser le rôle des puits de carbone forestiers face au dérèglement climatique. Le puits forestier africain est un des plus importants au monde avec l’une des principales forêts primaires du monde (3.6 millions de kilomètres carrés).
A Taiwan, les compétences de la française Claire Mauquié ont été très appréciées en qualité de « Sustainable Life Designer » pour expérimenter des « Food Forests » en ville, sur des espaces publics, avec participation citoyenne, en coopération avec les gouvernements locaux et avec le support de financements d’entreprises privées pour les mener à bien. Elle a travaillé sur le design des food forest, mais elle a aussi mené aussi des activités de fabrication de sol avec des déchets, de boissons fermentées à partir des produits de la food forest, de dentifrice naturel, etc. Elle a commencé le projet « Ferment the city » à Taipei avec quelques autres personnes. Il s’agissait de trouver des réutilisations à certains déchets de la ville à travers les processus de fermentation organique et sociale. Par exemple : réutiliser le sous-produit de fabrication de lait de soja (l’okara) pour fabriquer du tempeh, transformer les déchets plastiques en objets utiles, le tout en impliquant le population locale pour créer du lien social.
Le centenaire de la mort de l’explorateur et intellectuel breton, Victor Segalen a été célébré au printemps 2019. Du lycée français de Hong-Kong aux universités de Brest (sa ville natale) et Bordeaux qui portent son nom, ce marin conquérant et bienveillant a inspiré un esprit d’aventure aux générations futures. Le 8 janvier 2018, Emmanuel Macron lui rendait hommage dans son discours à Xi’an : « … comme un voisin Victor Segalen, venu chercher en Chine les briques et les tuiles de sa poésie et découvrant ici-même, à Xi’an, l’odeur fade et riche des siècles enfouis. »
Dans cette région où se sont bâties des villes grâce à l’invention de l’agriculture, dans le bassin du fleuve Bleu, avec le début de la domestication du riz, le XXIème siècle met de nouveau en mouvement l’Afrique et l’Asie dans un rôle de laboratoire où pourraient s’illustrer l’expérience et l’aptitude des innovateurs à répondre aux grands défis du monde (innovation alimentaire, smart cities, diplomatique climatique…).
A noter qu’en Asie, les meilleurs influenceurs ne sont pas les mêmes qu’en Afrique ou en Europe ! En effet, si en Occident, les experts des réseaux sociaux drainent les foules ; En Chine, ce sont les
agriculteurs qui font du clic ! Dorénavant, sur les sites e-commerce comme Taobao, du géant Alibaba, tout le monde a la possibilité d’être influenceur, et c’est le cas de bon nombre d’agriculteurs. Il faut dire que les internautes asiatiques sont friands de ce genre de contenus, notamment pour comprendre d’où viennent leurs produits, comment ils sont fabriqués et qui les fabrique. SOPEXA (grande agence de promotion des produits agroalimentaires régionaux et de l’art de vivre à la française) a réalisé des travaux de recherche sur le sujet.
Les fermiers ont donc tout intérêt à développer de nouvelles compétences et savoir animer une chaîne en continu. C’est le cas de Liu Mama, une agricultrice de la région de Dongbei, dans le nord de la Chine, qui rencontre un succès démesuré et fait fortune depuis quelques années grâce à ces courtes vidéos. Des contenus faits main, qui attirent de plus en plus de chinois en quête de retour aux sources.
Ainsi, les consommateurs asiatiques affichent ainsi une nouvelle frénésie sur leur terrain de jeu de prédilection : les réseaux sociaux. Une tendance qui tend à profiter aux produits et savoir-faire importés à condition de réussir à s’adapter aux us et coutumes du marché.
Par Kevin LOGNONÉ