Russie : La Cour pénale internationale lance un mandat d’arrêt contre le président Vladimir Poutine

La Cour pénale internationale (CPI) a décidé vendredi de lancer un mandat d’arrêt contre le président russe, Vladimir Poutine, pour son implication présumée dans l’enlèvement de milliers d’enfants en Ukraine et leur déportation illégale vers la Russie. Ces rapts de masse, orchestrés en temps de conflit, sont considérés comme un « crime de guerre » par le tribunal international.

Depuis La Haye, aux Pays-Bas, la CPI a également lancé un mandat d’arrêt contre Maria Alekseyevna Lvova-Belova, devenue depuis le début de l’agression russe contre l’Ukraine, il y a plus d’un an, l’image publique du programme de déportation d’enfants ukrainiens vers la Russie et la grande promotrice de leur adoption par des couples russes.

Dans un communiqué, l’équipe de juristes chargée du dossier ukrainien dit avoir « des motifs raisonnables de croire que chaque suspect porte la responsabilité du crime de guerre de déportation illégale de population et de celui de transfert illégal de population des zones occupées d’Ukraine vers la Fédération de Russie, et ce, au préjudice des enfants ukrainiens ».

Le tribunal ajoute qu’« il existe des motifs raisonnables de croire que M. Poutine porte une responsabilité pénale individuelle » pour les enlèvements de ces enfants. Le président russe est accusé d’avoir « commis les actes directement, conjointement avec d’autres et/ou par l’intermédiaire d’autres personnes » et de ne pas avoir exercé « correctement le contrôle sur les subor­donnés civils et militaires qui ont commis les actes », peut-on lire.

Des milliers d’enfants
En février dernier, un rapport de l’Observatoire des conflits de la Yale University a révélé que la Russie gérait un programme d’enlèvement et de déportation de masse ciblant des enfants ukrainiens. Au moins 6000 auraient été ainsi envoyés de force en Russie dans 43 « camps de réadaptation », indique le groupe. Les autorités ukrainiennes prétendent pour leur part que plus de 16 000 enfants auraient été victimes de ce crime de guerre.

Par ailleurs, le Kremlin semble avoir admis sa culpabilité il y a longtemps en se vantant d’avoir bel et bien encadré le transfert de millions de civils ukrainiens sur son territoire depuis février 2022, dont plus de 720 000 enfants, selon les chiffres portés par les médias russes sous la mainmise de la dictature de Vladimir Poutine. Cette migration répondrait à des « motifs humanitaires », prétend Moscou, et servirait à protéger les orphelins et les enfants abandonnés dans les zones de conflit.

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, s’est réjoui vendredi de la décision de la CPI en parlant d’un geste « historique » du tribunal international. Sur le réseau Telegram, son chef de cabinet, Andriy Yermak, a indiqué pour sa part que ces deux premiers mandats ciblant la tête dirigeante russe et la commissaire aux droits de l’enfant n’étaient « que le début ».

La Russie va « continuer le travail »
Cette semaine, une source proche des procédures en cours à La Haye a indiqué au Devoir qu’une « quinzaine de ressortissants russes » pourraient être visés par des mandats d’arrêt de la CPI pour leur implication dans des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis en Ukraine depuis le déclenchement de l’invasion.

Vendredi, le président de la Cour, Piotr Hofmański, a précisé qu’il appartenait désormais à la communauté internationale de donner suite au lancement de ces mandats. « La CPI fait sa part du travail en tant que cour de justice, a-t-il dit dans un message vidéo. Les juges ont lancé des mandats d’arrêt. L’exécution dépend maintenant de la coopération internationale. »

L’ex-président russe Dmitri Medvedev a comparé vendredi le mandat d’arrêt visant Vladimir Poutine à du papier de toilette. « La Cour pénale internationale a lancé un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine. Pas besoin d’expliquer où ce papier doit être utilisé », a-t-il écrit sur Twitter en anglais, terminant son message par une émoticône de papier hygiénique.

Ciblée par la CPI, la commissaire russe aux droits de l’enfant, Maria Alekseyevna Lvova-Belova, s’est quant à elle faite frondeuse vendredi en indiquant que la Russie allait « continuer le travail ». « C’est sympa que la communauté internationale ait estimé notre travail dans l’aide des enfants de notre pays », a-t-elle affirmé, citée par l’agence de presse russe Ria Novosti, tout en rappelant que son programme cherche à extraire des enfants des « zones d’opérations militaires ».

Dmitri Peskov : « Nous ne reconnais­sons pas ce tribunal. Nous ne reconnais­sons pas sa juridiction »
Mardi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, avait raillé la perspective de mise en accusation de dirigeants russes par la CPI en soulignant que la Russie n’était pas assujettie aux règles de cet organisme international. « Nous ne reconnaissons pas ce tribunal. Nous ne reconnaissons pas sa juridiction », a-t-il dit.

Sur le réseau Telegram, la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, en a rajouté vendredi en disant que « les décisions de la Cour pénale internationale sont dénuées de sens pour notre pays, y compris d’un point de vue juridique ».

Rappelons que la Russie fait partie des pays signataires du Statut de Rome, qui a participé dans les années 2000 à la fondation de la CPI à La Haye, mais Moscou n’a jamais ratifié l’accord pour en devenir membre.

Pis, en 2016, le Kremlin a même décidé de revenir sur sa première signature, et ce, au lendemain d’un rapport du tribunal international selon lequel l’annexion de la Crimée amorcée en 2014 par la Russie constitue une occupation illégale du territoire ukrainien.

Le lancement de ces deux mandats d’arrêt internationaux reste surtout symbolique dans le cadre du conflit militaire en cours imposé à l’Ukraine par la Russie. Toutefois, même si elles ne devaient jamais être exécutées, ces mises en accusation risquent de marquer durablement l’image des personnalités qui en sont devenues aujourd’hui les cibles.

Par Frédéric Konaté 

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