TCHAD-CAMEROUN: CULTURE : LA GÉNESE DU PEUPLE MASSA ET SA CULTURE

DE L’ORGANISATION POLITIQUE ET SOCIALE DES MASSA AU XIXè SIECLE.
Situé aux abords sud du lac Tchad le peuple Massa s’étend de part et d’autre du fleuve logone sur le territoire des républiques du Cameroun et du Tchad.
Une fois installé sur les abords du fleuve Logone, le peuple Massa y développa des structures socio-politiques basées sur une division systématique de la société en lignages, clan et familles.
Organisation politique: société lignagère, agnatique et polysegmentaire, la société Mssa se présentait, d’après les sources écrites, comme une entité divisée en plusieurs sous-entités ou cellules socio-politiques. Celles-ci paraissaient autonomes et ne jouissaient que d’un pouvoir limité et souple.
Ainsi, ces cellules autonomes se présentaient comme la base de la vie politique des Massa. Par ordre d’extension territoriale il y’a avait : la Nagada ou terre, la Farana ou communauté et le Zina ou enclos dirigés respectivement par le Boum Nagada ou chef de terre le Boum Farana et le Boum Zina. Le pouvoir politique de ces entités sera renforcé par l’arrivée des Foulbé, et les Boum Zina et Boum Farana deviendront des véritables chefs de guerre. Au début du XXè siècle (en 1901) les autorités coloniales allemandes instituer ont une hiérarchisation sociopolitique véritable avec l’installation des chefferies à l’image des lamidats Foulbé.
Le Zina ou la base de l’organisation politique des Massa, le Zina ou groupe domestique est la plus petite entité politique. Il est autonome et est constitué de l’époux, ses femmes, ses enfants et ses amis vivant dans le même enclos de cases. Il est commandé par le Boum Zina ou chef d’enclos sur qui repose la responsabilité de toute la concession. Il expédie les affaires courantes des membres de son Zina et est relativement respecté. Il préside au partage des biens appartenant aux résidents de son Zina. Il n’est ni élu, ni nommé par qui que ce soit, et n’a de compte à rendre à personne. Ajoute TCHOUMOU DAPSIA Robert.
Le Farana, à l’origine, Farana signifie  » troupeau »,  » bétail ». Par extension, il désigne non seulement le lieu où le bétail est parqué le soir, mais aussi l’ensemble des enclos qui forment le groupe de gardiennage, généralement composé de membres d’un même clan. La constitution des Farana est stimulée par la recherche de la sécurité pour le bétail. Ce terme recouvre donc deux réalités à savoir : « Farana des gens » qui exprime la proche parenté par le lien agnatique, et « Farana du bétail » (Fara Lueyna) qui évolue selon les aléas des pâturages.
En fait, on ne peut pas dissocier les deux Farana, car dans tous les deux cas, c’est le bétail qui est le principal concerné. Le Farana peut correspondre à ce qu’on appelle aujourd’hui village si les enclos qui le forment sont regroupés. Cependant, il existe des cas où des enclos plus dispersés appartiennent au même Farana. Cette cellule politique est commandée par le Boum Farana, le père de la communauté. C’est près de son domaine que le troupeau se forme et que les propriétaires viennent l’attendre le soir. Il règle aussi les tensions entre les membres de son Farana; cependant, pour les Massa, il n’est pas ni chef, ni juge. Le Boum Farana crée un climat propice à la cohésion du groupe.
Cellule politique essentielle, c’est au niveau du Farana qu’un conseil des ancien, appelé Tapna, réglait les problèmes du groupe. La vie sociopolitique s’organisait au niveau du Farana. C’est à l’ombre du grand arbre où le bétail est rassemblé matin et soir que les chefs d’enclos ou Boum Zina se réunissaient en conseil ( Tapna) pour délibérer des problèmes du Farana. Ne connaissant pas la tutelle d’une chefferie, les Massa y délibéraient « démocratiquement », mais non sans l’avis du Boum Farana qui présidait le conseil. Il était choisi pour sa sagesse qui coïncidait généralement avec son âge avancé. Il était très écouté et personnifié par le groupe. Lors des conseils, les femmes n’intervenaient pas; cependant une femme âgée pouvait exposer un problème au conseil ou émettre un avis sans toutefois prendre part aux décisions.
Ainsi, le Farana apparaît comme l’entité politique essentielle chez les Massa, et l’expression de la liberté et d’esprit d’indépendance fortement ancré dans ce peuple, somme toute, non centralisé. Par ailleurs, lorsque les Massa entrèrent en contact avec les peul à partir des années 1820, ils virent la nécessité de faire front commun pour résister aux raides de ces envahisseurs. C’est ainsi que certains Boum Farana émergèrent en véritables chefs de guerre, jouissant d’un pouvoir et d’un prestige plus fermes qu’auparavant.
La Nagada, le pays Massa était divisé en terres ou territoires appelés Nagada sur lesquels sont regroupés les Farana. Ces territoires sont sous le contrôle des prêtres de la terre appelés Boum Nagada. Ce sont généralement les premiers occupants de ces terres, et ils sont des intermédiaires respectés, unissant le peuple à la terre.
Personne ne pouvait semer avant qu’ils n’aient fait de sacrifice. Souvent ils sont aussi chefs de la pêche s’il y’a des étangs sur leur terre. Les terres ou Nagada sont plus ou moins étendues et comprennent un ou plusieurs Farana. Le Boum Nagada est le dépositaire des droits fonciers. C’est lui qui procéde à la distribution des champs et même des enclos. Il jouit d’un pouvoir religieux et mythique et est hautement respecté pour cela. Dès lors, nous comprenons que la société Massa n’avait pas de structures véritablement politiques et encore moins d’État aux limites tangibles et reconnues des voisins. Les populations n’avaient pas sur elles une autorité reconnue et incontestée. La notion du chef y était pratiquement inconnue. Pour cela, cette société a souvent été considérée comme étant démocratique et égalitaire.
Cependant, lorsque la sécurité collective était menacée, plusieurs villages s’unissaient sous la bannière d’un chef de guerre dont le pouvoir ne reposait que sur ses vertus guerrières, sa bravoure et ses capacités de mobilisateur de foule. Le pouvoir de ce chef de guerre disparaissait en temps de paix.
Organisation sociale: si la société Massa paraît très peu organisée sur le plan politique, force est de constater que sa structure sociale est beaucoup plus cohérente et basée sur un système de parenté agnatique et patrilinéaire. Bref, on a affaire à une société lignagère, égalitaire et profondément attachée au respect du principe de l’exogamie. Elle est divisée en familles restreintes ou groupes domestiques lignages clans (Djaf).
La famille ou groupe domestique, c’est l’unité de base delà société Massa. Elle est formée généralement du chef de concession, ses épouses ses freres-cadets et leurs épouses, leurs enfants auxquels viennent s’ajouter les veuves des membres de la famille. Le volume du groupe familial varie selon que les frères-cadets continuent ou non à résider avec leur aîné.
Le lignage et le clan: Djaf, le lignage aussi bien que le clan sont indistinctement désignés par le terme Djaf. En claire, ce terme représente le groupe formé par les descendants d’un ancêtre commun en ligne masculine, pour le cas du lignage, chacun des membres peut le remonter par le décompte de la généalogie jusqu’à l’ancêtre commun fondateur ayant réellement vécu. Cependant, dans le cas du clan, la plupart des Massa-Walia, par exemple se reconnaissent du clan d’Aligosey sans pour autant pouvoir remonter la généalogie jusqu’à celui-ci-l’ancêstre Aligosey.
La recherche de l’autonomie et des terres nouvelles propices aux activités agro-pastorales, a entraîné une dispersion des membres de même clan ou de même lignage « Djaf » sur des horizons divers.
Cette dispersion, ajoutée à l’accroissement de la population a distendu d’avantage les relations de parenté lignagère entraînant la constitution des nombreux sous-clans qui sont devenus avec le temps de véritables lignages autonomes pouvant entrer en conflit avec les clans voisins par exemple pour des litiges fonciers et autres.
En définitive, la société Massa se présentait comme une société lignagère. La structure de la parenté y était patrilinéaire et agnatique. Les lignages et clans étaient de véritables entités ex oghamiques. Cette organisation sociopolitique sera consolidée et même fortifiée par la mise en place des structures militaires assurant la protection du groupe.
Par Ramian Osée pour journal L’ œil du Sahara.

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