Afrique : voici comment des opposants sont espionnés via WhatsApp.

 

WhatsApp a déposé plainte fin octobre 2019, devant une cour fédérale aux Etats-Unis, contre une société israélienne spécialisée dans les logiciels d’espionnage. La messagerie chiffrée qui appartient à Facebook, accuse NSO Group de l’avoir piratée pour surveiller une centaine de personnes dans le monde. Parmi eux, des activistes rwandais vivant hors du pays.

Comment ont-elles été espionnées ?

WhatsApp, l’application qui compte plus de 1,5 milliard d’utilisateurs dans le monde est chiffrée et permet de protéger la confidentialité des conversations. Mais cette messagerie sécurisée a été piratée grâce à un logiciel espion développé par une entreprise privée israélienne NSO. Le procédé est effrayant de simplicité : il suffit d’appeler la personne ciblée sur WhatsApp. Qu’elle décroche ou pas, le micro et la caméra de son smartphone (IOS et Android) sont activés à son insu. Il est alors possible de suivre toute l’activité de l’usager.

Qui sont les personnes ciblées ?

Dissidents politiques, journalistes, défenseurs des droits de l’Homme de la diaspora rwandaise ont été visés par ce logiciel d’espionnage, souligne le Washington Post (lien payant). Le quotidien cite, entre autres, Faustin Rukundo, un opposant rwandais devenu citoyen britannique. Son nom figure sur une liste d’ennemis du gouvernement. En exil depuis 2005, il reste menacé et traqué par le pouvoir en place au Rwanda. Comme lui, d’autres Rwandais ayant fui le pays depuis de nombreuses années ont été surveillés et le gouvernement de Kigali a pu avoir accès à toutes leurs informations et tous leurs contacts.

En quoi cette technique est sensible ?

Cette technologie d’espionnage développée par la société privée israélienne NSO est vendue a priori pour “combattre le terrorisme et le crime grave”. Seulement voilà, parmi les clients, se retrouve bon nombre de gouvernements, dont le bilan en matière de droits humains laisse à désirer. Le Rwanda, par exemple, l’utilise pour viser des défenseurs des droits de l’Homme. Dans ce pays comme dans d’autres, les voix dissidentes et les opposants sont qualifiés de “terroristes”. C’est pourquoi Amnesty International s’est saisi du dossier et a lancé une action en justice devant le tribunal de Tel-Aviv. L’organisation demande au ministère israélien de la Défense de révoquer la licence d’exportation du groupe privé NSO.

 

D’autres pays concernés ?

Au total, 1 400 appareils ont été infectés, lors de cette vaste opération de piratage qui a touché une vingtaine de pays au printemps 2019. Le logiciel israélien malveillant a été vendu à prix d’or à l’Arabie Saoudite, au Maroc ou encore Emirats arabes unis… Même si WhatsApp a aussitôt alerté les usagers et réparé la faille de sécurité, ce problème montre que de nombreux gouvernements pas franchement respectueux des droits de l’Homme disposent d’outils pour exploiter des failles et viser des personnes spécifiques.

Selon Citizen Lab, le centre de recherche de l’université de Toronto, l’Arabie Saoudite pourrait avoir utilisé le logiciel espion de la société israélienne pour localiser le journaliste et opposant Jamal Khashoggi, tué dans le consulat d’Arabie Saoudite à Istanbul en octobre 2018. L’un de ses amis, Omar Abdulaziz, fait partie d’un groupe de journalistes et d’activistes ayant engagé des poursuites judiciaires contre NSO.

Par  Frédéric Konaté.

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