France : Salon du Livre Africain de Paris 2025: Le Sénégal remporte deux prestigieux prix !

Le Sénégalais Felwine Sarr, Lauréat du Grand Prix d’Afrique de la Nouvelle et du Prix Afrique de l’Édition , nous parle de son travail et des éléments qui ont contribué à son succès !

Bonjour Felwine. Nous vous savons Écrivain, Enseignant, Agrégé en Économie. Pour être plus complet sur votre présentation, que pouvons- nous ajouter ?*

Bonjour. Ce qu’on pourrait ajouter à la présentation, c’est que je suis musicien, donc c’est une dimension importante de mon travail, de mon rapport au monde. Depuis quelques années, je n’enseigne plus l’économie, mais la philosophie africaine et des humanités africaines, ici aux USA. Je suis également praticien des arts martiaux et c’est une dimension importante de mon rapport à la vie et au monde.

Qu’est-ce qui a séduit le Jury dans votre recueil des nouvelles<< Le Bouddhisme est né à Colobane >>?

Je ne saurais vous dire exactement, ce qui a séduit le Jury, par rapport<< Le Bouddhisme est né à Colobane>>mais je pense qu’ils ont relevé l’écriture, la thématique du lien amoureux, du lien amical de la relation avec Dieu , de la question de la permanence des liens, comment les liens se font et se défondent. J’ai choisi d’insister sur le moment où les liens se défondent et la sagesse que nous devons tirer de l’acceptation de la transformation des choses. C’est pour ça, qu’il y a une référence que le bouddhisme allie les deux choses et sont en mouvement en permanence et en perpétuelle métamorphose. Je pense aussi qu’ils ont aimé la forme courte, la forme brève, incisive qui est allé à l’essentiel et qui tentait de préciser les choses dans leur essence. Peut-être aussi, la musique que je mêle à l’écriture, l’intertexualité des textes et musique, voilà.

Dans<< Le bouddhisme est né à Colobane>> la fiction et la douleur morale de l’amour insaisissable est le lot de maux qui plongent le lecteur dans la poursuite du vent, qui échappe toujours à ceux qui le vivent et en ressort abattus. Pourquoi suivre et poursuivre l’Insoutenable qu’est l’amour, selon vous ?

En fait l’idée ce n’est pas de poursuivre L’Insoutenable qui, est l’amour. L’idée c’est de méditer, réfléchir sur l’amour, avec un grand A qui ; est une humaines relation au monde, aux êtres, au-delà de notre égo et nos besoins psychologiques et ce que j’appelle l’amour avec un A minuscule qui, est une version égocentrée où l’autre doit répondre à nos problématiques et de nos besoins psychologiques. L’amour où l’autre doit répondre à nos problématiques psychiques et à nos besoins psychologiques ; où il y a une forme d’anthropophagie et d’instrumentation de l’autre. Et ce que j’ai noté, généralement dans la culture, dans les romans, les chansons, il y a une définition de l’amour, qui est l’amour besoin, l’amour consommation, amour nourriture de mon propre égo et j’ai voulu en contrepoint un idéal d’amour qui n’est pas peut-être absolu , mais un peu plus spirituel, un peu moins égocentrique, un peu plus bien veillant et tourné vers autrui et interroger tous les malentendus de ce terme là .ce que les uns et les autres y mette , qui ne correspond pas forcément. C’est une épreuve qu’il faut traverser et grandir avec. Ce n’est pas juste jouir d’un objet que l’on adore, que l’on aime. Mais ça va au-delà de ça. Je tente cette réflexion là . Je tente de poser la question du malentendu sur ce que c’est et de l’exigence de l’idéal que c’est et du chemin de croissance que c’est.

Pourquoi le titre<<Le bouddhisme est né à Colobane>> ?

Le titre c’est un double clin d’œil à Wasis Diop , qui est un musicien que j’aime énormément, dont j’aime beaucoup le travail ; qui a grandi à Colobane. C’est un clin d’œil aux Ganas de Colobane , ce quartier populaire qui sont assis sur un banc toute la journée et qui regardent le monde Dakarois , la vie défiler devant eux, se métamorphoser, et qui a mon avis retire une sagesse équivalente à celle que le Bouddha a acquise lorsqu’il s’est assis sous l’arbre de l’éveil en Inde.Le clin d’œil c’est dire à ces jeunes là que quand on habite ce quartier on a un regard tellement complexe, tellement intéressant sur la vie, on voit tellement de choses, qu’on a la sagesse sur la métamorphose infinie du réel et les écrivains créent des mythes, déplacent des mythes. Alors pour moi , c’était aussi intéressant de déplacer la naissance du bouddhisme, de l’amener au Sénégal à Colobane et de le faire naître dans un quartier de Dakar ; pour ainsi dire qu’on peut atteindre une sagesse d’où que l’on soit. On peut atteindre une illumination sur les choses, une profondeur, à partir de n’importe quel lieu.Il avait aussi ce discours sous-jacent.

Les mots de votre livre sont soutenus par les voix des virtuoses de la musique dont Wasis Diop. Comment s’est fait le Casting ?

Oui la musique est importante, comme vous l’avez remarqué et le casting, je l’ai fait par des choix affectifs . J’aime beaucoup la musique de Wasis Diop , comme je vous le disais tantôt. Toumani Diabaté, c’est un musicien j’aime beaucoup, Cheikh Lô , et quelques clin d’œil à U40, quand j’étais à fond dans le reggae. C’est des musiciens que j’aime et que je convoque et je trouve qu’il y a leur musique,mais aussi leur philosophie, leurs pensées, leurs rapports avec le monde et que la textualité de leur musique est faite de sagesse, de regards sur le monde et qu’ils pouvaient rentrer en dialogue avec les situations ; que je mets en scène.

Felwine n’est pas qu’écrivain, mais aussi celui qui combat l’injustice pure et sûre, en l’occurrence votre engagement sur la restitution des œuvres d’art africain aux pays d’origine !

Comment est née en vous l’idée de cette lutte ?

Concernant la restitution des objets d’art africain, j’ai été invité à ce débat. Au départ ce n’était pas ma question, pour vous dire franchement les choses. Le président français m’a demandé de travailler avec Bénédicte Savoy, donc j’ai accepté, après discussion avec cette dernière qui m’a vraiment convaincu et je trouvais que c’était un prolongement pratique de thèse que je développais
dans<< Afrotopia>>
Cette histoire de réinventer la relation de la décolonisée et je pensais que la question de la restitution, c’est une question de décolonisation entre la France et l’Afrique. C’était un défi, on pouvait échouer. . Ce travail , on l’a convenablement fait avec Bénédicte Savoy, mais elle a eu au début une réception difficile. Mais avec le temps nos idées ont prospéré et quelques restitutions ont démarré au Bénin, au Sénégal et j’espère que le mouvement restera ouvert et le processus va continuer dans le temps et la réflexion aussi reste ouverte.

Pour clore notre entretien, quelle est votre vision pour la littérature africaine, en vue de son rayonnement à international ?

Je pense que la littérature africaine rayonne. On a eu le prix Neustschad avec l’écrivain Boubacar Boris Diop, Prix Goncourt , Mohamed Mbougar Sarr , le Prix Nobel, avec le Tanzanien Abdulrazak Gurnah(Prix Nobel). Booker Prize avec David Diop. Je pense que ces dernières années, elle est riche en volume, en qualité et en rayonnement. Elle occupe un espace bien important aujourd’hui. Mais il y a lieu de créer des lieux d’édition et de distribution, de traduction sur le continent . Il y a une écologie et une économie à mettre en place. Mais aujourd’hui elle est vraiment riche et féconde, comme je le disais plus haut.

Par Alain MARTIAL

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