Gabon : Ali Bongo a repris les commandes

 

La promotion-surprise du Directeur de Cabinet du Président Ali Bongo au poste de ministre chargé du Suivi des investissements humains et des Objectifs de développement durable, le 7 novembre dernier, a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le ciel bleu de Libreville.

Pourtant, nombreux étaient ceux qui s’étonnaient depuis l’été de son attitude conquérante, peu opportune de la part d’un directeur de cabinet, fonction somme toute technique et a priori apolitique.

Brice Laccruche Alihanga semblait se sentir pousser des ailes, profitant de l’éloignement provisoire du pouvoir d’Ali Bongo, dont la convalescence durait depuis plusieurs mois. Et soudain, tel un moderne Icare qui aurait voulu s’approcher trop près du soleil brûlant de l’équateur, ses ailes fondaient et il se voyait précipité au sol.

Plusieurs s’étaient d’emblée étonnés de l’intitulé de son ministère nouvellement créé : « chargé du Suivi des investissements humains et des Objectifs de développement durable ». Une fonction transversale, assez vague au demeurant, malgré une formulation un peu ronflante. De quelles équipes allait-il disposer, quels moyens allait-il employer, pour accompagner quelle action concrète ?

Plusieurs semaines ont passé, et force est de constater avec Jeune Afrique que la coquille reste vide, et que le nouveau ministre se fait étonnamment discret -étonnamment, si l’on compare cette discrétion à l’exubérance de sa tournée estivale dans les différents départements du Gabon, où il avait pendant l’été animé une série de meetings, organisés pour sa propre promotion. En l’absence de locaux ministériels -en cours de location- c’est de chez lui que le nouveau ministre travaille désormais, avec son propre téléphone. Le contraste est saisissant, de l’arrogante faconde d’hier à la modestie forcée d’aujourd’hui.

Icare-Brice Laccruche Alihanga a entraîné dans sa chute plusieurs personnalités qui lui étaient attachées, dont Ismaël Ondias Souna, ex-directeur général de la Société Équatoriale des Mines, ou Renaud Allogho Akoue, patron de la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS), ou encore Patrichi Tanasa, ex-dirigeant de la Gabon Oil Company, tous trois écroués à la prison centrale de Libreville. Tout comme le plus proche collaborateur de l’ex-directeur de cabinet, Ike Ngouoni Aila Oyouomi, qui était l’incontournable Porte-parole de la Présidence, et qui a été arrêté le 21 novembre par des agents de la Direction Générale des Services Spéciaux.

Ainsi la mise à l’écart du fuligineux directeur de cabinet du Président résulte-t-elle probablement de sa mise en cause directe dans plusieurs affaires où ses proches se sont révélés impliqués. La nature exacte des faits qui ont justifié ces limogeages n’étant pas encore connue, les commentateurs en sont réduits à des conjectures, mais les langues sont promptes à se délier et leur mauvaise gestion des organismes qui leur avaient été confiés pourrait bien expliquer cette cascade de sanctions.

Les paroles d’Ali Bongo présidant le 22 novembre le Conseil supérieur de la Magistrature ont sonné clair : « Face à la corruption et l’enrichissement illicite, le bras de la justice ne doit pas trembler ».

Une seule chose est certaine aujourd’hui pour les Gabonais : cette révolution de palais a été menée de main de maître, et cette main est celle d’Ali Bongo. Sifflant la fin de la récréation, le chef de l’Etat a repris en direct les rênes du Gabon, et il a décidé de remettre de l’ordre partout où il constatait des dérives. Les objectifs qu’il a fixés à son pays sont clairs : stabilité sociale, développement économique, priorité aux investissements stratégiques tournés vers l’amélioration des conditions de vie des Gabonais dans leur ensemble. Une croissance « inclusive » et durable, qui passe par une gestion rigoureuse et une écoute permanente des corps.

Par Thierry Wikeya.

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