Madagascar : Quand la prostitution devient une question de survie

 

À Madagascar, la prostitution est une réalité sociale marquée par la précarité et la violence. Lors d’un festival consacré aux droits des femmes à Antananarivo, plusieurs professionnelles du sexe ont pris la parole pour dénoncer les conditions difficiles dans lesquelles elles exercent leur métier.

Un dernier recours face à la misère

Si la loi malgache ne criminalise pas la prostitution, le métier reste fortement stigmatisé. Pourtant, de nombreuses femmes, notamment des mères célibataires, s’y retrouvent contraintes faute d’alternatives économiques viables. Parmi elles, Chuchuna, 40 ans, témoigne du calvaire qu’elle endure :

« Le client fait l’amour avec moi et refuse de payer. Quand je lui demande l’argent, il me répond : “Non, je ne te donnerai pas d’argent !” Puis, il frappe… Il frappe fort. »

Chuchuna, qui a débuté la prostitution à 16 ans, décrit un environnement où la violence est omniprésente et où les autorités censées protéger les citoyens – policiers, gendarmes et fonctionnaires – figurent parfois parmi les agresseurs.

 

Des violences banalisées et une protection inexistante

Chamerandozazi, 46 ans, qui exerce dans un hôtel de l’hypercentre de la capitale pour 20 000 ariary la passe (soit environ 4 euros), raconte sa lutte quotidienne pour subvenir aux besoins de sa famille :

 

« En plus de mes enfants, j’ai neuf frères et sœurs encore à ma charge. On veut juste vivre, même si pour le moment, cela signifie subir ces violences… qui ont même coûté la vie à certaines. »

La précarité grandissante pousse de plus en plus de femmes à se tourner vers ce travail, aggravé par la crise économique et la pandémie de Covid-19. Le phénomène s’est même étendu aux zones rurales, où des femmes migrent vers les villes pour survivre grâce à ce « marché » en expansion.

Vers une meilleure protection des travailleuses du sexe ?

L’Association des Femmes et du Sida à Madagascar (AFSA) milite activement pour la reconnaissance et la protection des professionnelles du sexe. Selon Rebeca, membre de l’association et ancienne prostituée, le combat est avant tout sociétal :

« À Madagascar, il faut faire comprendre aux gens qu’on ne se prostitue pas par plaisir. Elles n’ont pas le choix. Avant tout, ce sont des êtres humains et non des objets. »

Avec une estimation de 170 000 travailleurs du sexe sur l’île, la question de leur encadrement et de leur sécurité devient urgente. L’enjeu dépasse la simple reconnaissance légale : il s’agit de changer le regard de la société et de garantir à ces femmes des conditions de vie dignes et sécurisées.

 

Alors que les témoignages se multiplient, la mobilisation des associations et des défenseurs des droits humains pourra-t-elle enfin faire évoluer les mentalités et les politiques publiques à Madagascar ?

Par Cherif Keita 

 

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