Tchad : Retour au bercail du contingent tchadien de la MINUSMA du Mali
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Après leur désengagement de Tessalit et Aguelhok (région de Kidal, nord), les Casques bleus tchadiens de la MINUSMA quittent plus tôt que prévu la base de Kidal sur fond de dégradation sécuritaire sur place, et notamment pour protester contre les refus répétés des autorités maliennes d’accorder des autorisations de vols aériens pour rallier le Tchad en toute sécurité.
Et pour cause, les troupes tchadiennes qui ont précédemment quitté les bases de Tessalit et d’Aguelhok les 21 et 23 octobre dans le cadre du désengagement de la MINUSMA du territoire malien – ont été obligées de partir par voie terrestre, les autorisations de vol pour rallier N’Djamena n’ayant pas été obtenues auprès des autorités maliennes. Les 2 colonnes tchadiennes, respectivement en provenance de Tessalit et d’Aguelhok, ont été obligées de faire mouvement vers la ville de Gao (région de Gao, nord-est) alors que la situation sécuritaire dans les régions Nord s’aggrave de jour en jour en raison de la reprise des affrontements entre les autorités régulières et les groupes rebelles du CSP-PSD, mais également du renforcement des groupes terroristes. Dans ce contexte d’adversité, la MINUSMA a publié le 23 octobre un communiqué déplorant la situation sécuritaire extrêmement instable dans la zone, l’empêchant de désengager en toute sécurité et alors que les autorités maliennes se doivent normalement d’assurer la sûreté et la sécurité des Casques bleus dans cette mission de retrait. Le lendemain, les autorités maliennes ont accusé la MINUSMA de se retirer de manière précipitée des bases du Nord lors d’un communiqué diffusé le 24 octobre, l’accusant ainsi de laisser le champ libre aux terroristes. C’est pourtant le contexte sécuritaire fortement dégradé qui oblige la MINUSMA à accélérer son retrait, en détruisant sur place du matériel militaire, ou en mettant hors d’état de fonctionner des véhicules, munitions, générateurs… faute de ne pas avoir pu les évacuer par camions plus au Sud, vers Gao, à cause du refus des autorités maliennes de faire passer ces derniers.
En effet, la MINUSMA fait face à de multiples obstacles qui l’empêche d’organiser son processus de retrait du Mali dans le respect du calendrier officiel d’une part, et en assurant la sécurité de ses effectifs, d’autre part. L’organisation fait face à des problèmes de déplacement de ses convois depuis 4 semaines : 200 de ses convois terrestres ainsi que des Casques bleus tchadiens ont été bloqués à Gao où ils ont attendu, en vain, le feu vert des autorités maliennes pour prendre la direction de Kidal afin d’aider à organiser le rapatriement du matériel. A Tombouctou, des convois ont également été bloqués. Bien que l’état-major tchadien ait annoncé le 18 octobre qu’un compromis avait été trouvé avec les autorités maliennes pour débloquer ces convois, le départ précipité du contingent tchadien de Kidal illustre bien la maigre efficacité des négociations diplomatiques en cours et leur volonté d’amorcer dès que possible un retour au Tchad sous peine de se retrouver au milieu d’affrontements meurtriers entre FAMa-Wagner, CSP-PSD et groupes armés terroristes (GAT). Il est à se demander si le blocage des convois à Gao ne serait pas une entrave volontaire de la part des autorités maliennes pour empêcher la sortie du contingent tchadien du Nord du Mali ; pour ainsi les pousser à s’impliquer et à combattre le CSP-PSD ou la JNIM aux côtés de l’armée malienne, situation que les Tchadiens ne souhaitent évidemment pas.
Les soldats tchadiens se retrouvent ainsi pris entre deux feux et risquent de faire les frais du contexte sécuritaire fortement tendu dans la région ; et ce en dépit de leur participation à la lutte antiterroriste depuis des années au Mali ayant entraîné le décès de nombre d’entre eux. Depuis 2013, l’armée tchadienne est aux avant-postes de la lutte contre les groupes terroristes au Mali. Réputée à l’époque pour être l’une des meilleures armées de la région, forte de ses 30 000 militaires actifs et de moyens militaires modernes, près de 2 400 soldats tchadiens avaient été déployés au Mali pour combattre les groupes djihadistes en coordination avec les forces de la MISMA (Mission internationale de soutien au Mali). Aux côtés de l’armée française, les soldats tchadiens s’étaient retrouvés en première ligne de la seconde phase de l’opération Serval, afin de protéger Bamako d’une offensive djihadiste et expulser les groupes terroristes du Nord du pays. Le contingent tchadien, qui s’était démarqué par sa maîtrise du terrain et par son expérience, a toutefois payé un lourd tribut pour aider son voisin à enrayer la menace terroriste : entre 2013 et 2017, 47 militaires et policiers tchadiens au service de l’ONU ont été tués au Mali dans le cadre de la lutte contre les GAT, selon un rapport de l’organisation. La moindre reconnaissance des autorités maliennes serait, à défaut de délivrer les autorisations pour permettre aux soldats tchadiens de rentrer par vols aériens, d’assurer la sécurité terrestre du retrait des Tchadiens dans le respect de leurs engagements pour un retour au pays le plus rapidement possible.
Par Kenzo Brown