Afrique : Arts visuels: Et si Albert Kahn faisait étape par la Tel Aviv de l’Afrique à la rencontre du photographe Patrice Fina

Un métier d’aventure ? De nouveaux horizons ? De découvertes ? La photographie dans toutes ces facettes visuelles et créatives se réinvente en Afrique. Le philanthrope Albert Kahn aurait sans doute été intéressé par le cadrant créatif du Cameroun, pays du photographe Patrice Fina, historiquement balancé par une double présence allemande et française, sans oublier une influence anglophone à l’ouest bamiléké frontalier avec le Nigéria. Un carrefour au cœur du renouvellement du champ des « borders studies » avec des influences russes, chinoise, turque, japonaise et même coréenne pour ne citer que quelques exemples du jeu régional et international en Afrique centrale.

Pôle d’agro-transformation et vigie du climat avec ses forêts, le Cameroun des opportunités grandeur nature aurait certainement attiré l’attention du banquier aventurier décrit par Gilles Baud-Berthier dans son dossier : « Albert Kahn et le projet des Archives de la Planète 1908-1931 ». A juste titre, il est
rappelé l’environnement agricole dans lequel Albert Kahn a baigné pendant son enfance au sein d’une communauté rurale juive. Après la défaite de Sedan en 1870, sa famille choisit de l’envoyer à Paris où il rejoint les dizaines de milliers « d’exilés de l’intérieur », ces Alsaciens et Lorrains qui refusaient de devenir des sujets du IIe Reich allemand. La solidarité nationale envers ces réfugiés fut active et, après avoir exercé quelques petits métiers, le jeune Albert Kahn entra vers sa seizième année comme employé dans la banque Goudchaux, une banque d’origine lorraine.

En quelques années, de 1889 à 1893, il bâtit une fortune en spéculant tout d’abord sur les mines d’or et de diamants d’Afrique du Sud. Parallèlement, il collabore à des syndicats de placement dans des projets industriels ou des emprunts internationaux (japonais, sud-américains). Très vite, il nourrit des
projets philanthropiques pour élargir sa vision du monde. Son œuvre est à découvrir au musée départemental Albert-Kahn dans les Hauts-de-Seine, à l’ouest de Paris.

Des archives photographiques constituent le fil rouge d’une démarche pacifiste plus globale initiée en 1898, avec les Bourses de Voyages Autour du Monde, données à l’Université de Paris, qui accordent à de jeunes agrégés un financement sur concours afin qu’ils réalisent un voyage d’exploration de quinze mois dans un pays étranger.

Les Archives de la planète (The Archives of the Planet) vont permettre de 1908 à 1931 de photographier les cultures humaines à travers le monde. Ce projet parrainé par le banquier français
Albert Kahn a abouti à 183 000 mètres de film et 72 000 photographies en couleur de 50 pays. Commençant par un voyage autour du monde que Kahn a effectué avec son chauffeur, le projet s’est
développé pour englober des expéditions au Brésil, en Scandinavie rurale, dans les Balkans, en Amérique du Nord, au Moyen-Orient, en Asie et en Afrique de l’Ouest, entre autres destinations, et a
documenté des événements historiques tels que les séquelles de la Seconde Guerre des Balkans, la
Première Guerre mondiale en France et la guerre d’indépendance turque. Il a été inspiré par les convictions internationalistes et pacifistes de Kahn. Le projet a été interrompu en 1931 après que Kahn ait perdu la majeure partie de sa fortune dans le krach boursier de 1929. Depuis 1990, la collection est administrée par le musée Albert-Kahn et la plupart des images sont disponibles en ligne.

Une nouvelle génération d’Albert Kahn africains se dessine-t-elle à l’horizon ? L’œil du Cameroun offre
sans doute un théâtre propice à cette prospective. Ce pays d’Afrique centrale n’est pas seulement la terre de tous les contrastes. Il offre un champ visuel à lui seul pour appréhender les nouvelles
tendances aux portes du Golfe de Guinée, du Nigéria voisin, du Tchad au nord, de la Centrafrique et des deux Congo à l’est… Cette mosaïque humaine continuera de nous étonner à l’horizon 2050 où selon certaines prévisions Lagos devrait dépasser Shanghai en terme de population.

 

A la fois artiste et photographe, Patrice Fina représente la nouvelle vague de la photographie Made in Africa. Tout un art pictural se dessine autour de la démarche de Patrice Fina, passionné d’ouverture et d’horizon comme l’était Albert Kahn.

Patrice Fina est un photographe camerounais, originaire de la région de l’extrême-nord, qui réside aujourd’hui à Yaoundé, future Tel Aviv de l’Afrique. Il a été identifié comme Jeune Talent Stuart(ist) par la fondation culturelle Théophile Lognoné (« Toujours rechercher l’innovation ») qui œuvre dans le champ des « borders studies ». Cette fondation perpétue la mémoire de l’industriel et innovateur Théophile Lognoné dont les premières découvertes ont porté sur la New Nature Economy en relation avec la farine de manioc de Madagascar.

La Rédaction

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