Madagascar : des militaires rejoignent les manifestants, l’armée se fracture face au pouvoir de Rajoelina
Partager la publication "Madagascar : des militaires rejoignent les manifestants, l’armée se fracture face au pouvoir de Rajoelina"
La tension monte d’un cran à Madagascar. Ce samedi 11 octobre, au cœur des manifestations qui secouent la capitale Antananarivo depuis plus de deux semaines, une unité de l’armée a pris la décision inédite de se ranger du côté des manifestants, appelant ouvertement à la désobéissance envers la hiérarchie militaire et le pouvoir en place.
« N’obéissez plus aux ordres », a lancé un porte-parole de cette unité dans une déclaration relayée sur les réseaux sociaux. Le message, destiné à l’ensemble des forces armées, exhorte les soldats à ne plus exécuter les ordres de tir contre les civils :
« Fermez les portails et attendez nos instructions. Braquez vos armes sur ceux qui vous ordonnent de tirer sur vos frères d’armes, car ce ne sont pas eux qui nourriront nos familles si nous venions à mourir. »
Cette prise de position marque un tournant majeur dans la crise politique et sociale qui secoue le pays depuis le 25 septembre, date du début des manifestations initiées par le collectif Gen Z. Ce mouvement, d’abord motivé par la colère face aux coupures d’eau et d’électricité, s’est rapidement transformé en contestation généralisée contre le président Andry Rajoelina, 51 ans, au pouvoir depuis 2019.
Une contestation qui s’étend et un pouvoir affaibli
Les appels au départ du président Rajoelina se multiplient, tout comme les exigences de démission du président du Sénat. Les consultations menées par le chef de l’État ces dernières semaines n’ont pas permis d’apaiser les tensions, la rue continuant de réclamer un changement profond du système.
Selon un bilan des Nations unies, au moins 22 personnes ont été tuées et plus d’une centaine blessées depuis le début des heurts — des chiffres contestés par le pouvoir malgache, qui parle de « seulement 12 morts », présentés comme des « pilleurs et casseurs ».
Conséquences immédiates et inquiétudes régionales
Face à la détérioration de la situation sécuritaire, Air France a annoncé la suspension de ses vols à destination de Madagascar jusqu’à lundi, le temps d’évaluer les risques pour ses équipages et passagers.
L’entrée d’une partie de l’armée dans la contestation pourrait bouleverser le rapport de force entre le pouvoir et les manifestants, dans un pays déjà fragilisé par la pauvreté, la corruption et une crise économique persistante.
Alors que les appels à la désobéissance se propagent, le pays semble se diriger vers une phase décisive de son histoire politique récente. Les regards se tournent désormais vers les autres corps de l’armée et la réaction du président Rajoelina, qui joue peut-être l’un des chapitres les plus critiques de son mandat.
Par Rodrigue Izumo

