Tchad : Arrivée des Russes :  Voici pourquoi c’est faux.

 

Tout commence par une publication sur les réseaux sociaux. En milieu de journée, ce 28 avril, le compte X du média Tchad One poste un « URGENT ». Quelque « 130 militaires russes, appartenant à l’ex-PMC Wagner, ont débarqué à N’Djamena ce matin », annonce le média qui assure que ces hommes sont arrivés au Tchad « par un discret vol de la compagnie Ethiopian Airlines », avant d’être pris en charge par les services de renseignement locaux.
Tchad One l’affirme : « Le régime tchadien, sentant sa défaite électorale approcher et surtout doutant du soutien de certaines franges de l’armée, cherche à créer une distraction politique en jouant sur deux tableaux : assurer la sécurité de Mahamat Idriss Déby Itno, par les mercenaires russes, et manipuler l’opinion par le sentiment anti-français ».
Aussitôt, la rumeur enfle. Moins de 24 heures après la publication, celle-ci totalise plus de 140 000 vues, tandis que des captures d’écran la placent en vedette des groupes WhatsApp des commentateurs de l’actualité africaine et tchadienne. Chacun s’interroge. Mahamat Idriss Déby Itno a-t-il réellement ouvert la porte à plus d’une centaine de mercenaires russes, à l’instar de son voisin nigérien ?
Des Hongrois, et non des Russes
La réponse est non. Le média Jeune Afrique a contacté un membre du gouvernement tchadien et cadre de la campagne du Président de la transition, qui se fend d’une réponse directe : « Fake news ». D’après une source diplomatique également interrogée par Jeune Afrique, un contingent de coopérants européens non-francophones serait bel et bien à N’Djamena, mais ceux-ci – qui pourraient n’être que quelques dizaines – seraient en réalité des Hongrois et non des Russes.
Cela n’a rien de secret, puisque le déploiement d’un contingent hongrois au Tchad à partir du printemps 2024, dans le cadre d’un accord de coopération conjoint entre le Tchad et la Hongrie, avait été annoncé dès novembre 2023 par les autorités hongroises. Pour rappel, la mobilisation de ce contingent serait à la demande des autorités tchadiennes de transition et interviendrait dans le cadre du renforcement des relations bilatérales entre le Tchad et la Hongrie, notamment autour des volets diplomatique, humanitaire et de défense.
Tchad One, spécialiste de la désinformation ?
Quelques heures après sa publication initiale, Tchad One rectifie d’ailleurs en partie le tir sur les réseaux sociaux, évoquant une « erreur ». « Il s’agit, après vérification, de 130 militaires hongrois, et non russes, comme initialement publié ». Le média, connu pour son hostilité au régime de Mahamat Idriss Déby Itno, persiste toutefois : « Leur mission semble correspondre à celle qu’auraient pu remplir des éléments de la société militaire privée Wagner. »
A noter que le média Tchad One, qui se revendique comme un média indépendant et d’investigation « d’utilité publique » cumulant près de 42 000 abonnés sur X, avait déjà été épinglé pour sa participation à une entreprise de désinformation ciblant cette fois la France, en juin dernier. Le 19 juin, le média avait publié sur la toile une vidéo montrant des soldats de l’armée française interceptés aux alentours d’Adré par un militaire tchadien, devenue virale. Le texte qui accompagnait la vidéo, rédigé par le média, laissait penser à une ingérence de l’armée française dans la guerre en cours au Soudan : « Ces militaires français se dirigeaient vers la frontière soudanaise pour prêter main forte à l’arme tchadienne qui a subi de lourdes pertes lors des affrontements avec les hommes de Hemetti dans la ville darfouri d’Elgeneina ».
Il aura fallu l’intervention du ministre de la Défense tchadien de l’époque, feu le Général Daoud Yaya Brahim, pour rétablir la vérité et indiquer que le gouvernement tchadien sollicitait l’aide de la France pour rapatrier les réfugiés soudanais à l’intérieur du Tchad, nécessitant des études de terrain avant déploiement, et non pour une quelconque participation au conflit soudanais en cours. Ce qui expliquait la présence de soldats français dans la zone d’Adré, avait assuré le ministre.
Impacts de la désinformation
Nous sommes plus que jamais inondés d’une énorme quantité d’informations, provenant de nombreux canaux, à la fois en ligne et hors ligne. Des informations erronées ou trompeuses peuvent être diffusées encore plus facilement, plus rapidement et avec une plus grande portée via notamment les médias sociaux, de sorte que l’impact est souvent plus important. La désinformation en fait partie. La diffusion délibérée d’informations fausses, incorrectes ou trompeuses va de pair avec l’intention de nuire de la part du diffuseur, qui peut avoir pour volonté d’influencer les opinions, de gagner de l’argent ou de nuire à la société, à la santé publique ou à la démocratie.
Les campagnes de désinformation influencent également de manière croissante les processus électoraux et leurs résultats en Afrique, comme dans le reste du monde, tel que rapporté par Le Grand Continent dans son analyse « Comprendre la désinformation en Afrique », parue en octobre 2023. Au cours de la période précédant l’élection présidentielle de 2021 au Kenya, une enquête a montré que 87 % des Kényans interrogés avaient été confrontés à la désinformation dans le but vraisemblable d’orienter leurs choix électoraux.
Alors que le Tchad est en pleine période électorale, il est plus que jamais nécessaire de sensibiliser les citoyens et les médias aux enjeux et moyens de lutte contre la désinformation, et ce afin de garantir la cohésion sociale et politique du pays.

La Rédaction 

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